Atelier Baroque
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Atelier de recherches : le baroque

Seconde - Janvier 2002 (voir aussi Questionnaire sur le baroque)

Document 1

BAROQUE : adj. et n.m., d'abord écrit barroque (1531), est un emprunt technique au portugais barroco (XIIIe s.) appliqué à un rocher, à une perle irrégulière.
En français, le mot qualifie une perle irrégulière, sens accueilli par les dictionnaires entre 1690 et 1718. Le développement du sens figuré " bizarre, insolite " (1718), comparable à l'évolution de grotesque, suppose peut-être un croisement avec le latin médiéval baroco. Ce dernier mot a été créé au XIIIe pour désigner une sorte de raisonnement : employé ensuite par moquerie par les adversaires de cette philosophie médiévale, il aurait contribué à donner à baroque une valeur péjorative, " inutilement compliqué, bizarre ". Ce sens, enregistré dans les dictionnaires depuis 1740, s'est spécialisé en histoire de l'art à propos d'un style architectural et décoratif qui s'écarte des règles de la Renaissance classique. Le mot a été substantivé pour caractériser un style : " le baroque en architecture est une nuance du bizarre. Il en est, si on veut, le raffinement, ou, s'il était possible de le dire, l'abus " (1788). On l'a alors employé à propos des architectes italiens du XVIIe s., surtout dans les écrits de ceux qui étaient partisans de l'antique et d'un art architectural classique. Le mot demeure pendant tout le XIXe s. empreint d'un jugement de valeur plutôt négatif.
Vers la fin du XIXe s., en Allemagne, le mot prend un autre sens, plus précis. Ce n'est qu'au XXe s. que baroque, sur le même plan que renaissance, qualifie et désigne non plus seulement un style, mais aussi une époque de l'art, d'abord en architecture, puis dans tous les arts, en musique et en littérature.

GROTESQUE : n. et adj., attesté d'abord sous la forme crotesque (1532, n. m.), sous l'influence de crote, croute (--> grotte), est un emprunt (1540-1550) à l'italien (pittura) grottesca, qui signifie " peinture de grotte " et désigne un type de décoration murale apparu en Italie au milieu du XVe. Le nom italien prend au XVIe s. le sens de " peinture licencieuse et fantaisiste ou caricaturale " et cette valeur évaluative et morale prend la place de la valeur descriptive et esthétique, comme en français. L'évolution de baroque est comparable.
Cependant, grotesque apparaît au XVIe s. comme terme d'art, désignant (vers 1540) les ornements antiques des ruines, puis les ornements modernes qui s'en inspirent. Au sens figuré, le mot correspond à peu près à " chimère ". Déjà adjectif en ce sens, le mot prend dans cet emploi une valeur voisine d' " extravagant " et de " burlesque " (Corneille, 1636). Mais l'adjectif, au même moment, signifie plutôt " fantastique, fou " que " ridicule ".
Le sens actuel de " ridicule " ne se dégage qu'au XIXe s., mais, à la même époque, le mot a une valeur positive pour les romantiques qui l'apparentent à baroque : Th. Gautier emploie et lance l'appellation les Grotesques pour désigner les écrivains baroques du début du XVIIè s. français. Chez Gautier, Hugo et Baudelaire, le grotesque est une catégorie esthétique essentielle. Par rapport au burlesque (comique de situation et d'observation réaliste), le grotesque implique une imagination fantastique.

CLASSIQUE : adj. et n. est emprunté (1548) au latin classicus, au sens de " de première classe ", par référence aux cinq classes entre lesquelles les citoyens romains étaient répartis d'après leur fortune. Au IIè s., un grammairien romain recommande de s'adresser aux classici pour connaître le bon usage en fait de langue ; de là le sens de classici (scriptores) " écrivains de première valeur ".
Le mot a été introduit en 1548. Par la suite, sont dits " classiques " les écrivains qui font autorité, considérés comme des modèles à imiter (1611) et, par conséquent, dignes d'être étudiés en classe (1680). Voltaire qualifie ainsi, ensuite, les écrivains du siècle de Louis XIV qui, par opposition aux baroques (ainsi nommés beaucoup plus tard), ont élaboré un art de mesure, de raison, en prônant le respect et l'imitation des Anciens. Le mot a donc pris la notion de respect de la tradition donnée comme modèle ; il s'est appliqué au XIXè s. aux partisans de l'imitation antique, par opposition aux romantiques et, par extension, à un art qui respecte les valeurs esthétiques du XVIIè s. (1835). Par extension, il passe dans l'usage commun au XIXè s., qualifiant avec une nuance péjorative ce qui ne s'écarte pas des règles établies, et il prend familièrement le sens d' " ordinaire, banal ".

D'après le Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d'Alain Rey, éd. " Le Robert ".

Document 2


Document 3


Document 4

" A partir du XVIIème siècle, sous l'influence du théâtre italien, la construction du décor théâtral obéit - en France - au principe de la " construction en perspective ". L'effet d'illusion est alors total : l'usage de la perspective ordonne les éléments du décor à partir du point de vue d'une place centrale (" l'œil du Prince "), et celui du dégradé accroît l'impression de profondeur de l'espace satisfaisant l'idéal baroque d'ouverture vers l'infini ; l'invention des " coulisses ", c'est-à-dire de rainures le long desquelles glissent des châssis, améliore les changements de décors. Et surtout le développement des machines, combinant mobilité et invisibilité, va combler les rêves baroques les plus fous de spectacle et de magie : matérialisation du merveilleux (envol, déplacement instantané, métamorphose ...) et somptuosité des apparitions divines. Tout cela nécessite un appareillage complexe de leviers et de treuils : de 1630 à 1680, c'est l'âge d'or des machinistes-décorateurs qui de l'Italie s'étend à toute l'Europe. "
D'après B. Gibert, Le Baroque littéraire français, 1997, A. Colin.

Document 5

" Le théâtre français adopte progressivement la scène "à l'italienne", ainsi nommée parce qu'elle exploite les ressources de la perspective. Située à la hauteur du visage des spectateurs du parterre, la scène est fermée sur trois côtés par des toiles peintes. Le plancher de la scène, légèrement incliné vers les spectateurs, est souvent peint en damier pour donner une impression de profondeur. Le spectateur fait donc face à un espace nettement délimité, ouvert sur un seul pan et propice à l'installation d'un décor. Séparant spectateurs et acteurs, ce dispositif joue sur l'illusion théâtrale [...]
Le théâtre baroque ne respecte pas les principes d'unité de temps, d'action et de lieu, ni l'exigence de séparation entre les genres tragique et comique. Le recours à l'intrigue multiple est constant dans les drames et les comédies baroques [...]
Le théâtre baroque recourt volontiers à la mise en abyme. Ce procédé consiste à insérer dans la pièce la représentation d'une autre pièce, reflet plus ou moins déformé de l'intrigue principale. C'est l'occasion pour les dramaturges de démonter les mécanismes de l'illusion théâtrale et de réfléchir sur leur art. "
D'après Des Textes à l'œuvre, Hachette, 2001.

Document 6

Est-il rien de plus vain qu'un songe mensonger,
Un songe passager vagabond et muable ?
La vie est toutefois au songe comparable,
Au songe vagabond, muable et passager ;
Est-il rien de plus vain que l'ombrage léger,
L'ombrage remuant, inconstant et peu stable ?
La vie est toutefois à l'ombrage semblable,
À l'ombrage tremblant sous l'arbre d'un verger ;
Aussi pour nous laisser une preuve assurée
Que ceste vie était seulement une entrée
Et départ de ce lieu, entra soudainement
Le sage Pythagore en sa chambre secrète
Et n'y fut point si tôt, ô preuve bien tôt faite !
Comme il en ressortit encor plus vitement.

Jean-Baptiste Chassignet (1570 ?-1635 ?)

Mépris de la vie et consolation de la mort (1594), Sonnet 263.

Document 7


Document 8

L'esthétique baroque

La notion de baroque désigne, de manière assez vague, une période (1580-1650) et un style, regroupant des œuvres très diverses du XVIème et du XVIIème siècle qu'on oppose aux œuvres " classiques ". Quelques formes et quelques thèmes dominants se dégagent de ce mouvement européen : 

* La mort est omniprésente, et sous des formes d'un réalisme violent (supplices, sang, cadavres). Les figures de l'antithèse et de l'oxymore qui rapprochent les contraires suggèrent l'équivalence entre la vie et la mort, la réalité et les apparences.
* Dans un univers mensonger où l'être et le paraître ne se distinguent plus, l'œuvre baroque exprime l'angoisse et la fascination devant une réalité fuyante et magique : trompe-l'œil, masques, déguisements, miroirs se déploient ainsi autant dans les images que dans les textes baroques. Les jeux sémantiques inscrivent dans le langage cette tendance à la profusion décorative et à l'ambiguïté : la polysémie et l'allégorie jouent sur la superposition des sens ; la paronomase et le calembour, sur celle des sons et des sens.
* Les œuvres baroques traduisent le sentiment de l'universel écoulement du monde, l'image de son instabilité permanente. Un motif réunit les thèmes de l'illusion et du mouvement : la métamorphose, qui traduit la fascination pour l'état intermédiaire, le moment insaisissable où l'objet glisse d'une forme à l'autre, dans une transformation où vérité et apparence se confondent.

Document 9

Le contexte historique du baroque

Un mouvement européen

La notion de baroque désigne, de manière assez vague, une période aux contours flous (1580 ? -1650 ?) et un style, regroupant des œuvres très diverses du XVIème et du XVIIème siècle qu'on oppose aux œuvres " classiques ".
Comme tout mouvement culturel, le baroque est lié à des circonstances historiques particulières. En Italie, c'est avant tout le style de la Contre-Réforme. En donnant aux manifestations et aux rites du culte catholique une place éminente, le concile de Trente (1545-1563) favorise les arts, notamment l'architecture religieuse. La victoire sur les Turcs à Lépante (1571), l'abjuration du protestantisme par Henri IV (1593), les progrès du catholicisme en Allemagne confirment le redressement de l'Église catholique qui manifeste sa puissance par des œuvres monumentales et luxueuses.

Ce goût de la magnificence inspire également les gouvernements civils qui y voient l'occasion d'asseoir leur pouvoir et leur prestige. En Europe centrale, il faut attendre 1650 et la fin d'une longue période de guerre pour voir l'épanouissement du baroque. En Angleterre, la révolution et l'austérité qui l'accompagne ralentissent à la même époque son expansion. De l'Espagne et du Portugal, où il s'épanouit, le baroque gagne les colonies d'Amérique du Sud. Quant à la France, sa volonté de s'émanciper de l'influence italienne et sa tendance au rationalisme la conduisent à imaginer une voie originale où le baroque, sans jamais disparaître complètement, se marie avec l'exigence d'ordre et de mesure qui caractérise le classicisme.

Le contexte français

On peut distinguer schématiquement trois moments dans l'histoire du XVIIème siècle français :

* De 1598 à 1630, à la fin du règne d'Henri IV (1598-1610), puis sous la régence de Marie de Médicis et durant la première partie du règne de Louis XIII (1610-1630), c'est le temps de l'instabilité. La remise en ordre du pays est longue et difficile. Le conflit religieux, qui continue à couver sous la cendre, est sans cesse prêt à se rallumer. Malgré la promulgation de l'édit de Nantes en 1598 qui autorise la liberté de conscience et de culte en France, le fanatisme religieux existe toujours (le fanatique Ravaillac assassine Henri IV en 1610), et les tensions entre catholiques et protestants perdurent (en 1621, Montauban la protestante est assiégée par les troupes du roi ; La Rochelle subit le même sort en 1627).
* Les années 1630-1661, à la fin du règne de Louis XIII (1630-1643) et sous la régence d'Anne d'Autriche (1643-1661) voient la persistance des troubles. Des conspirations de nobles se multiplient pour faire chuter le roi (celle, par exemple, du duc de Montmorency et de Gaston d'Orléans, propre frère du roy, en 1632). Mais à partir de 1630, grâce à la consolidation du pouvoir du ministre Richelieu, la situation, malgré de nombreux soubresauts, commence à se rétablir. L'autorité de l'État tend à s'affirmer. Après la mort de Richelieu en 1642, son action sera poursuivie par Mazarin ; elle s'exercera entre autres contre les bourgeois et les nobles qui se révoltent au cours de deux frondes (1648 et 1649). Une aspiration à la raison et une recherche de la perfection cautionnée par la vérité se développent en particulier dans les œuvres de René Descartes (1596-1650) et de Blaise Pascal (1623-1662).

* De 1661 à 1685, se construit la monarchie absolue. Louis XIV, après la mort de Mazarin (1661), gouverne par lui-même et élabore un système fondé sur l'ordre et la concentration des pouvoirs. C'est alors que fleurit toute une génération d'écrivains (Molière, Racine, Madame de La Fayette , Boileau, etc.) qui, sous leur diversité, ont en commun le goût pour une littérature tempérée, équilibrée, reposant sur des règles précises de construction. C'est le triomphe des normes, l'affirmation de ce qu'on appelle le classicisme.

 


Dernière modification le 14/09/2006
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