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2001

SUJET I

ÉTUDE D’UN TEXTE ARGUMENTATIF

Ulysse a réussi à redonner figure humaine à tous ses compagnons transformés en pourceaux par la sorcière Circé. Seul Grillus ne peut se résoudre à reprendre sa forme humaine.

ULYSSE
- N'êtes-vous pas bien aise, mon cher Grillus, de me revoir, et d'être en état de reprendre votre ancienne forme ?
GRILLUS
 - Je suis bien aise de vous voir, favori de Minerve; mais, pour le changement de forme, vous m'en dispenserez, s'il vous plaît.
ULYSSE
 - Hélas ! mon pauvre enfant, savez-vous bien comment vous êtes fait ? Assurément vous n'avez point la taille belle : un gros corps courbé vers la terre, de longues oreilles pendantes, de petits yeux à peine entr'ouverts, un groin horrible, une physionomie très désavantageuse, un vilain poil grossier et hérissé ! Enfin vous êtes une hideuse personne ; je vous l'apprends, si vous ne le savez pas. Si peu que vous ayez de cœur, vous vous trouverez trop heureux de redevenir homme.
GRILLUS
 - Vous avez beau dire, je n'en ferai rien ; le métier de cochon est bien plus joli. Il est vrai que ma figure n'est pas fort élégante, mais j'en serai quitte pour ne me regarder jamais au miroir. Aussi bien, de l'humeur dont je suis depuis quelque temps, je n'ai guère à craindre de me mirer dans l'eau, et de m'y reprocher ma laideur: j'aime mieux un bourbier qu'une claire fontaine.
ULYSSE
 - Cette saleté ne vous fait-elle point horreur ? Vous ne vivez que d'ordures vous vous vautrez dans les lieux infects ; vous y êtes toujours puant à faire bondir le cœur.
GRILLUS
 - Qu'importe ? Tout dépend du goût. Cette odeur est plus douce pour moi que celle de l'ambre, et cette ordure est du nectar pour moi.
ULYSSE
- J'en rougis pour vous. Est-il possible que vous ayez sitôt oublié tout ce que l'humanité a de noble et d'avantageux ?
GRILLUS
- Ne me parlez plus de l'humanité : sa noblesse n'est qu'imaginaire ; tous ses maux sont réels, et ses biens ne sont qu'en idée. J'ai un corps sale et couvert d'un poil hérissé, mais je n'ai plus besoin d'habits ; et vous seriez plus heureux dans vos tristes aventures, si vous aviez le corps aussi velu que moi, pour vous passer de vêtement. Je trouve partout ma nourriture, jusque dans les lieux les moins enviés. Les procès et les guerres, et tous les autres embarras de la vie, ne sont plus rien pour moi. Il ne me faut ni cuisinier, ni barbier, ni tailleur, ni architecte. Me voilà libre et content à peu de frais. Pourquoi me rengager dans les besoins des hommes ?
ULYSSE
 - Il est vrai que l'homme a de grands besoins - mais les arts qu'il a inventés pour satisfaire à ces besoins se tournent à sa gloire et font ses délices.
GRILLUS
 - Il est plus simple et plus sûr d'être exempt de tous ces besoins, que d'avoir les moyens les plus merveilleux d'y remédier. Il vaut mieux jouir d'une santé parfaite sans aucune science de la médecine, que d'être toujours malade avec d'excellents remèdes pour se guérir.
ULYSSE
 - Mais, mon cher Grillus, vous ne comptez donc plus pour rien l'éloquence, la poésie, la musique, la science des astres et du monde entier, celle des figures et des nombres ! Avez-vous renoncé à notre chère patrie, aux sacrifices, aux festins, aux jeux, aux danses, aux combats, et aux couronnes qui servent de prix aux vainqueurs ? Répondez.
GRILLUS
 - Mon tempérament de cochon est si heureux qu'il me met au-dessus de toutes ces belles choses. J'aime mieux grogner, que d'être aussi éloquent que vous. Ce qui me dégoûte de l'éloquence, c'est que la vôtre même, qui égale celle de Mercure, ne me persuade ni ne me touche. Je ne veux persuader personne : je n'ai que faire d'être persuadé. Je suis aussi peu curieux de vers que de prose ; tout cela est devenu viande creuse pour moi. Pour les combats du ceste, de la lutte et des chariots, je les laisse volontiers à ceux qui sont passionnés pour une couronne, comme les enfants pour leurs jouets : je ne suis plus assez dispos pour remporter le prix ; et je ne l'envierai point à un autre moins chargé de lard et de graisse. Pour la musique, j'en ai perdu le goût ; et le goût seul décide de tout : le goût qui vous y attache m'en a détaché : n'en parlons plus. Retournez à Ithaque la patrie d'un cochon se trouve partout où il y a du gland. Allez, régnez, revoyez Pénélope, punissez ses amants : pour moi, ma Pénélope est la truie qui est ici près ; je règne dans mon étable, et rien ne trouble mon empire.

François de Fénelon, Dialogues des morts, "Ulysse et Grillus", 1712.

I - QUESTIONS (10 points)
1. En quoi Grillus est-il un nom amusant pour un pourceau ? (1 point)
2. Reformulez brièvement les arguments successivement avancés par Ulysse dans les lignes 5 à 40. Quelle évolution percevez-vous ? (3 points)
3. En la reformulant en peu de mots, dites quelle est la conception du bonheur selon Grillus. (3 points)
4. D'après vous, un personnage l'emporte-t-il sur l'autre dans ce texte ? Justifiez brièvement votre réponse. (3 points)

Il - TRAVAIL D'ÉCRITURE (10 points)
Poursuivant ce dialogue, Ulysse rappelle au cochon Grillus qu'il " est à la merci des hommes et qu'on ne l'engraisse que pour l'égorger". Imaginez la réponse argumentée de Grillus.

SUJET Il

COMMENTAIRE LITTÉRAIRE

Le narrateur, qui vit à paris, a regagné le Midi de la France à l'annonce du décès de sa grand-mère. Après l'enterrement de celle-ci, il est revenu dans la maison familiale, berceau de ses vacances.

Les choses des maisons sont douces au bord de la mémoire. Elles ont gardé les jours, mais, sous l'apaisement des gestes d'habitude, elles réveillent une vie tranquille, apprivoisée - pas de déchirement, pas de chagrin, mais la lenteur, la permanence. Je faisais passer dans mes mains l'Opinel de grand-père au manche de bois ébréché, mes doigts glissaient sur les napperons de dentelle empesée - et je croyais sentir le parfum sage et presque fade de la fleur d'oranger. J'avais connu toutes ces choses dans une maison livrée aux rires des vacances, à tous nos jeux, à l'affairement de grand-mère et de maman se hâtant de convertir en confitures tous les fruits du jardin - ah ! ce linge sanguinolent de groseilles qu'elles tordaient au-dessus de la grande bassine de cuivre !
Mais c'était comme si d'avance j'avais connu le pouvoir détaché des objets. Sous l'effervescence des journées de soleil, ils dessinaient la ligne stable d'une vie presque au-delà - ils étaient la maison, un peu plus que nous-mêmes, un peu moins, qu'importe. Je soufflais doucement sur les choses arrêtées. Je marchais dans les pièces vides, et tout s'y ressemblait, dans un décor à peine fané, comme un chant familier et assourdi.
Dans l'encoignure des fenêtres, la vigne vierge avait gagné, noyant dans une gangue fraîche la maison entière, comme mon père l'avait souhaité, comme il n'avait pu que l'imaginer. La brique rose appelait cet enroulement d'un vert profond, caresse un peu sauvage sur les murs. La vie continuait.

Philippe Delerm, Un été pour mémoire, 2000.

1ère PARTIE : questions (4 points)
1. Relevez les temps employés dans ce texte. Quel sens peut-on donner à leur combinaison ? (2 points)
2. Quelle valeur ont les tirets aux lignes 3, 5, 8, 12 ? (2 points)

2ème PARTIE (16 points)
Vous ferez de ce texte un commentaire composé.

 

SUJET III

DISSERTATION SUR UN SUJET LITTÉRAIRE

Les candidats qui choisissent ce sujet composeront

Sur le sujet A, s'ils sont en série L

Sur le sujet B, s'ils sont en série ES ou S

Sujet A : série L

Selon un écrivain contemporain, " échapper au temps, nier l'époque et ses drames, créer un univers de beauté, tels sont le rôle et la fonction du poète. "
En vous appuyant sur des exemples précis, vous direz dans quelle mesure le recueil poétique que vous avez étudié cette année vous permet de partager ce point de vue.

Sujet B : séries ES-S

En quoi les rapports entre maîtres et valets vous paraissent-ils tout à la fois s'inscrire dans leur temps et continuer à intéresser un lecteur du XXIème siècle ?
Vous proposerez une réponse argumentée et illustrée d'exemples précis empruntés à la comédie du XVlllème siècle que vous avez étudiée.

2000

SUJET I : ÉTUDE D’UN TEXTE ARGUMENTATIF

Je hais les voyages et les explorateurs. Et voici que je m’apprête à raconter mes expéditions. Mais que de temps pour m’y résoudre ! Quinze ans ont passé depuis que j’ai quitté pour la dernière fois le Brésil et, pendant toutes ces années, j’ai souvent projeté d’entreprendre ce livre ; chaque fois, une sorte de honte et de dégoût m’en ont empêché. Eh quoi ? Faut-il narrer par le menu tant de détails insipides, d’événements insignifiants ? L’aventure n’a pas de place dans la profession d’ethnographe ; elle en est seulement une servitude, elle pèse sur le travail efficace du poids des semaines ou des mois perdus en chemin ; des heures oisives pendant que l’informateur se dérobe ; de la faim, de la fatigue, parfois de la maladie ; et toujours, de ces mille corvées qui rongent les jours en pure perte et réduisent la vie dangereuse au cœur de la forêt vierge à une imitation du service militaire... Qu’il faille tant d’efforts, et de vaines dépenses pour atteindre l’objet de nos études ne confère aucun prix à ce qu’il faudrait plutôt considérer comme l’aspect négatif de notre métier. Les vérités que nous allons chercher si loin n’ont de valeur que dépouillées de cette gangue. On peut, certes, consacrer six mois de voyage, de privations et d’écœurante lassitude à la collecte (qui prendra quelques jours, parfois quelques heures) d’un mythe inédit, d’une règle de mariage nouvelle, d’une liste complète de noms claniques, mais cette scorie de la mémoire : " A 5 h 30 du matin, nous entrions en rade de Recife tandis que piaillaient les mouettes et qu’une flottille de marchands de fruits exotiques se pressait le long de la coque ", un si pauvre souvenir mérite-t-il que je lève la plume pour le fixer ?
Pourtant, ce genre de récit rencontre une faveur qui reste pour moi inexplicable. L’Amazonie, le Tibet et l’Afrique envahissent les boutiques sous forme de livres de voyage, comptes rendus d’expédition et albums de photographies où le souci de l’effet domine trop pour que le lecteur puisse apprécier la valeur du témoignage qu’on apporte. Loin que son esprit critique s’éveille, il demande toujours davantage de cette pâture, il en engloutit des quantités prodigieuses. C’est un métier, maintenant, que d’être explorateur; métier qui consiste, non pas, comme on pourrait le croire, à découvrir au terme d’années studieuses des faits restés inconnus, mais à parcourir un nombre élevé de kilomètres et à rassembler des projections fixes ou animées, de préférence en couleurs, grâce à quoi on remplira une salle, plusieurs jours de suite, d’une foule d’auditeurs auxquels des platitudes et des banalités sembleront miraculeusement transmutées en révélations pour la seule raison qu’au lieu de les démarquer sur place leur auteur les aura sanctifiées par un parcours de vingt mille kilomètres.
Qu’entendons-nous dans ces conférences et que lisons-nous dans ces livres ? Le détail des caisses emportées, les méfaits du petit chien du bord, et, mêlées aux anecdotes, des bribes d’information délavées, traînant depuis un demi-siècle dans tous les manuels, et qu’une dose d’impudence peu commune, mais en juste rapport avec la naïveté et l’ignorance des consommateurs, ne craint pas de présenter comme un témoignage, que dis-je, une découverte originale. Sans doute il y a des exceptions, et chaque époque a connu des voyageurs honnêtes ; parmi ceux qui se partagent aujourd’hui les faveurs du public, j’en citerais volontiers un ou deux. Mon but n’est pas de dénoncer les mystifications ou de décerner des diplômes, mais plutôt de comprendre un phénomène moral et social, très particulier à la France et d’apparition récente, même chez nous.

Claude LÉVI-STRAUSS, Tristes tropiques (1955).

lère PARTIE: questions (10 points)
1. a) En examinant attentivement les choix lexicaux de Lévi-Strauss dans les lignes 20 à 31, dites ce que reproche l’auteur aux récits de voyage et aux explorateurs. (2 points)
b) Quelle image du public donnent les deux derniers paragraphes du texte ? Justifiez votre réponse par des références précises au texte. (3 points)
2. En vous appuyant avec précision sur le premier paragraphe du texte (l. 1 à 16), définissez la profession d’ethnographe telle que la propose Levi-Strauss.. (3 points)
3. Quelle est la valeur de " Et " qui introduit là deuxième phrase du texte ? En quoi cet emploi est-il éclairé par le reste du texte ? (2 points)

2ème PARTIE: travail d’écriture (10 points)
Un " pauvre souvenir " (ligne 16) ne mérite-t-il pas selon vous, d’être raconté et publié ? Vous répondrez à cette question à partir de votre expérience personnelle et de vos lectures.


SUJET II : COMMENTAIRE LITTÉRAIRE

(Nous sommes au début du roman)
.
" Tu vas à la pêche, Vinca ? "
D’un signe de tête hautain, la Pervenche, Vinca aux yeux couleur de pluie printanière, répondit qu’elle. allait, en effet, à la pêche. Son chandail reprisé en témoignait et ses espadrilles racornies par le sel. On savait que sa jupe à carreaux bleus et verts, qui datait de trois ans et laissait voir ses genoux, appartenait à la crevette et aux crabes. Et ces deux havenets (1) sur l’épaule, et ce béret de laine hérissé et bleuâtre comme un chardon des dunes, constituaient-ils une panoplie de pêche, oui ou non ?
Elle dépassa celui qui l’avait hélée. Elle descendit vers les rochers, à grandes enjambées de ses fuseaux maigres et bien tournés, couleur de terre cuite. Philippe la regardait marcher, comparant l’une à l’autre Vinca de cette année et Vinca des dernières vacances. A-t-elle fini de grandir ? Il est temps qu’elle s’arrête. Elle n’a pas plus de chair que l’autre année. Ses cheveux courts s’éparpillent en paille raide et bien dorée, qu’elle laisse pousser depuis quatre mois, mais qu’on ne peut ni tresser ni rouler. Elle a les joues et les mains noires de hâle, le cou blanc comme lait sous ses cheveux, le sourire contraint, le rire éclatant, et si elle ferme étroitement, sur une gorge absente, blousons et chandails, elle trousse jupe et culotte pour descendre à l’eau, aussi haut qu’elle peut, avec une sérénité de petit garçon Le camarade qui l’épiait, couché sur la dune à longs poils d’herbe, berçait sur ses bras croisés son menton fendu d’une fossette. Il compte seize ans et demi, puisque Vinca atteint ses quinze ans et demi. Toute leur enfance les a unis, l’adolescence les sépare.
L’an passé, déjà, ils échangeaient des répliques aigres, des horions (2) sournois ; maintenant le silence, à tout moment, tombe entre eux si lourdement qu’ils préfèrent une bouderie à l’effort de la conversation.

Colette, Le blé en herbe (1937).

(1) havenets : filet pour pêcher la crevette.
(2) horions : coups violents donnés à quelqu’un.

lère PARTIE : questions (4 points)
1. Relevez les trois phrases interrogatives et dites quels interlocuteurs elles impliquent. (2 points)
2. Relevez et classez les oppositions de la ligne 10 à la fin. (2 points)

2ème PARTIE: (16 points)
Vous ferez de ce texte un commentaire composé.


SUJET III : DISSERTATION SUR UN SUJET LITTÉRAIRE

Les candidats qui choisissent ce sujet composeront : sur le sujet A, s’ils sont en série L Sur le sujet B, s’ils sont en série ES ou S

Sujet A: série L
Les Châtiments vous paraissent-ils être " une merveilleuse leçon de réalisme dans la poésie ", comme le suggère Aragon ?

Sujet B : séries ES-S
" Je regarde et j’observe pour créer, non pour copier ", a dit un romancier.
Le roman naturaliste que vous avez étudié correspond-il à cette intention ?
 


Dernière modification le 14/09/2006
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