G.T. Portrait
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Sept textes composent le G.T. :

1. Le portrait d'Arrias (La Bruyère) ;
2. Deux extraits de la s. 4 de l'Acte II du Misanthrope (Molière) ;
3. Extrait de l'Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre de Bossuet ;
4. Extrait de L'Éducation sentimentale (Flaubert) ;
5. Monsieur Prudhomme de Verlaine ;
6. Un article du journal Libération (Portrait de Christine Arron).

Texte 1

La Bruyère, labruyere.jpg (3730 octets)  Les Caractères : Le portrait d'Arrias

Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c’est un homme universel, et il se donne pour tel ; il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle à la table d’un grand d’une cour du Nord ; il prend la parole, et l’ôte à ceux qui allaient dire ce qu’ils en savent ; il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en était originaire ; il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu’à éclater. Quelqu'un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu’il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l’interrupteur ; " Je n’avance rien, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d’original : je l’ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j’ai fort interrogé, et qui ne m’a caché aucune circonstance. " Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu’il ne l’avait commencée, lorsque l’un des conviés lui dit : " C’est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive fraîchement de son ambassade. "

La Bruyère, Des Caractères, V, " De la société et de la conversation ".

Questionnaire :
A quel " type" de texte appartient ce passage ?
Que pensez-vous de la façon dont se termine ce texte ?
Essayez de déterminer la valeur du présent.  

Texte 2

 moliere.gif (13848 octets)     Molière, Le Misanthrope

(1)

CLITANDRE.

Parbleu ! Je viens du Louvre, où Cléonte, au levé,
Madame, a bien paru ridicule achevé.
N' a-t-il point quelque ami qui pût, sur ses manières,
D' un charitable avis lui prêter les lumières ?

CÉLIMÈNE.
Dans le monde, à vrai dire, il se barbouille fort ;
Partout il porte un air qui saute aux yeux d' abord ;
Et lorsqu' on le revoit après un peu d' absence,
On le retrouve encor plus plein d' extravagance.

ACASTE.
Parbleu ! S' il faut parler de gens extravagants,
Je viens d' en essuyer un des plus fatigants :
Damon, le raisonneur, qui m' a, ne vous déplaise,
Une heure, au grand soleil, tenu hors de ma chaise.

CÉLIMÈNE.
C' est un parleur étrange, et qui trouve toujours
L' art de ne vous rien dire avec de grands discours ;
Dans les propos qu' il tient, on ne voit jamais goutte,
Et ce n' est que du bruit que tout ce qu' on écoute.

ELIANTE, à PHILINTE.
Ce début n' est pas mal ; et contre le prochain
La conversation prend un assez bon train.

CLITANDRE.
Timante encor, madame, est un bon caractère.

CÉLIMÈNE.
C' est de la tête aux pieds un homme tout mystère,
Qui vous jette en passant un coup d' œil égaré,
Et, sans aucune affaire, est toujours affairé.
Tout ce qu' il vous débite en grimaces abonde ;
À force de façons, il assomme le monde ;
Sans cesse il a, tout bas, pour rompre l' entretien,
Un secret à vous dire, et ce secret n' est rien ;
De la moindre vétille il fait une merveille,
Et jusques au bonjour, il dit tout à l' oreille.

ACASTE.
Et Géralde, madame ?

CÉLIMÈNE.
Ô l' ennuyeux conteur !
Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur ;
Dans le brillant commerce il se mêle sans cesse,
Et ne cite jamais que duc, prince ou princesse :
La qualité l'entête ; et tous ses entretiens
Ne sont que de chevaux, d' équipage et de chiens ;
Il tutaye en parlant ceux du plus haut étage,
Et le nom de monsieur est chez lui hors d' usage.

CLITANDRE.
On dit qu' avec Bélise il est du dernier bien.

CÉLIMÈNE.
Le pauvre esprit de femme, et le sec entretien !
Lorsqu' elle vient me voir, je souffre le martyre :
Il faut suer sans cesse à chercher que lui dire,
Et la stérilité se son expression
Fait mourir à tous coups la conversation.
En vain, pour attaquer son stupide silence,
De tous les lieux communs vous prenez l' assistance :
Le beau temps et la pluie, et le froid et le chaud
Sont des fonds qu' avec elle on épuise bientôt.
Cependant sa visite, assez insupportable,
Traîne en une longueur encore épouvantable ;
Et l' on demande l' heure, et l' on bâille vingt fois,
Qu' elle grouille aussi peu qu' une pièce de bois.

ACASTE.
Que vous semble d'Adraste ?

CÉLIMÈNE.
Ah ! Quel orgueil extrême !
C' est un homme gonflé de l' amour de soi-même.
Son mérite jamais n' est content de la cour :
Contre elle il fait métier de pester chaque jour,
Et l' on ne donne emploi, charge ni bénéfice,
Qu' à tout ce qu' il se croit on ne fasse injustice.

CLITANDRE.
Mais le jeune Cléon, chez qui vont aujourd'hui
Nos plus honnêtes gens, que dites-vous de lui ?

CÉLIMÈNE.
Que de son cuisinier il s' est fait un mérite,
Et que c' est à sa table à qui l' on rend visite.

ELIANTE.
Il prend soin d' y servir des mets fort délicats.

CÉLIMÈNE.
Oui ; mais je voudrois bien qu' il ne s' y servît pas :
C' est un fort méchant plat que sa sotte personne,
Et qui gâte, à mon goût, tous les repas qu' il donne.

PHILINTE.
On fait assez de cas de son oncle Damis :
Qu' en dites-vous, madame ?

CÉLIMÈNE.
Il est de mes amis.

PHILINTE.
Je le trouve honnête homme, et d' un air assez sage.

CÉLIMÈNE.
Oui ; mais il veut avoir trop d' esprit, dont j'enrage ;
Il est guindé sans cesse ; et dans tous ses propos,
On voit qu' il se travaille à dire de bons mots.
Depuis que dans la tête il s' est mis d' être habile,
Rien ne touche son goût, tant il est difficile ;
Il veut voir des défauts à tout ce qu' on écrit,
Et pense que louer n' est pas d' un bel esprit,
Que c' est être savant que trouver à redire,
Qu' il n' appartient qu' aux sots d' admirer et de rire,
Et qu' en n' approuvant rien des ouvrages du temps,
Il se met au-dessus de tous les autres gens ;
Aux conversations même il trouve à reprendre :
Ce sont propos trop bas pour y daigner descendre ;
Et les deux bras croisés, du haut de son esprit
Il regarde en pitié tout ce que chacun dit.

ACASTE.
Dieu me damne, voilà son portrait véritable.

CLITANDRE.
Pour bien peindre les gens vous êtes admirable.

Le Misanthrope, Acte II, scène IV .

Questionnaire :
En vous aidant d’une édition du Misanthrope, écrivez pour cet extrait un " chapeau " qui situera le passage et précisera les éléments utiles à sa compréhension.
Nommez le ridicule de chacun des personnages dont Célimène fait le portrait.

Texte 3

Molière, Le Misanthrope
(2)
ELIANTE.
 
L' amour, pour l' ordinaire, est peu fait à ces lois,
Et l' on voit les amants vanter toujours leur choix ;
Jamais leur passion n' y voit rien de blâmable,
Et dans l'objet aimé tout leur devient aimable :
Ils comptent les défauts pour des perfections,
Et savent y donner de favorables noms.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable ;
La noire à faire peur, une brune adorable ;
La maigre a de la taille et de la liberté ;
La grasse est dans son port pleine de majesté ;
La malpropre sur soi, de peu d' attraits chargée,
Est mise sous le nom de beauté négligée ;
La géante paroît une déesse aux yeux ;
La naine, un abrégé des merveilles des cieux ;
L' orgueilleuse a le cœur digne d' une couronne ;
La fourbe a de l' esprit ; la sotte est toute bonne ;
La trop grande parleuse est d' agréable humeur ;
Et la muette garde une honnête pudeur.
C' est ainsi qu' un amant dont l' ardeur est extrême
Aime jusqu' aux défauts des personnes qu' il aime.

Le Misanthrope, Acte II, scène IV .

Questionnaire :
Rajoutez quelques vers à ceux d’Éliante (après le v. 728) en en conservant le principe (par exemple : la boiteuse, la distraite, la coquette, la snob, l’aguicheuse…).

Exemple :
La marche de la boiteuse est une vraie danse.
La snob a le souci de la grande élégance.
La coquette n'a qu'un désir, celui de plaire,
Quant à la bègue, elle respecte la grammaire.

(Bon moyen de faire acquérir ou revoir les bases de la versification.)

 Texte 4bosssuet.jpg (2564 octets)

 Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre, duchesse d’Orléans : 
prononcée à Saint-Denis le 21 jour d’aoust, 1670 par Messire Jacques-Bénigne Bossuet.
 
[…] Et certainement, messieurs, si quelque chose pouvait élever les hommes au-dessus de leur infirmité naturelle ; si l’origine, qui nous est commune, souffrait quelque distinction solide et durable entre ceux que Dieu a formés de la même terre, qu’y aurait-il dans l’univers de plus distingué que la princesse dont je parle ? Tout ce que peuvent faire non seulement la naissance et la fortune, mais encore les grandes qualités de l’esprit, pour l’élévation d’une princesse, se trouve rassemblé, et puis anéanti dans la nôtre. De quelque côté que je suive les traces de sa glorieuse origine, je ne découvre que des rois, et partout je suis ébloui de l’éclat des plus augustes couronnes. Je vois la maison de France, la plus grande, sans comparaison, de tout l’univers, et à qui les plus puissantes maisons peuvent bien céder sans envie, puisqu’elles tâchent de tirer leur gloire de cette source. Je vois les rois d’Ecosse, les rois d’Angleterre, qui ont régné depuis tant de siècles sur une des plus belliqueuses nations de l’univers plus encore par leur courage que par l’autorité de leur sceptre. Mais cette princesse, née sur le trône, avait l’esprit et le cœur plus hauts que sa naissance. […] Souvenez-vous donc, messieurs, de l’admiration que la princesse d’Angleterre donnait à toute la cour. Votre mémoire vous la peindra mieux, avec tous ses traits et son incomparable douceur, que ne pourront jamais faire toutes mes paroles. Elle croissait au milieu des bénédictions de tous les peuples, et les années ne cessaient de lui apporter de nouvelles grâces. […] Que si son rang la distinguait, j’ai eu raison de vous dire qu’elle était encore plus distinguée par son mérite. Je pourrais vous faire remarquer qu’elle connaissait si bien la beauté des ouvrages de l’esprit, que l’on croyait avoir atteint la perfection quand on avait su plaire à madame. Je pourrais encore ajouter que les plus sages et les plus expérimentés admiraient cet esprit vif et perçant, qui embrassait sans peine les plus grandes affaires, et pénétrait avec tant de facilité dans les plus secrets intérêts. Mais pourquoi m’étendre sur une matière où je puis tout dire en un mot ? Le roi, dont le jugement est une règle toujours sûre, a estimé la capacité de cette princesse, et l’a mise par son estime au-dessus de tous nos éloges. Cependant ni cette estime, ni tous ces grands avantages n’ont pu donner atteinte à sa modestie. Toute éclairée qu’elle était, elle n’a point présumé de ses connaissances, et jamais ses lumières ne l’ont éblouie. Rendez témoignage à ce que je dis, vous que cette grande princesse a honorés de sa confiance. Quel esprit avez-vous trouvé plus élevé ? Mais quel esprit avez-vous trouvé plus docile ? Plusieurs, dans la crainte d’être trop faciles, se rendent inflexibles à la raison, et s’affermissent contre elle. Madame s’éloignait toujours autant de la présomption que de la faiblesse ; également estimable, et de ce qu’elle savait trouver les sages conseils, et de ce qu’elle était capable de les recevoir. On les sait bien connaître, quand on fait sérieusement l’étude qui plaisait tant à cette princesse. Nouveau genre d’étude, et presque inconnu aux personnes de son âge et de son rang ; ajoutons, si vous voulez, de son sexe. Elle étudiait ses défauts ; elle aimait qu’on lui en fît des leçons sincères : marque assurée d’une âme forte, que ses fautes ne dominent pas, et qui ne craint point de les envisager de près, par une secrète confiance des ressources qu’elle sent pour les surmonter. C’était le dessein d’avancer dans cette étude de sagesse, qui la tenait si attachée à la lecture de l’histoire, qu’on appelle avec raison la sage conseillère des princes. C’est là que les plus grands rois n’ont plus de rang que par leurs vertus, et que, dégradés à jamais par les mains de la mort, ils viennent subir, sans cour et sans suite, le jugement de tous les peuples et de tous les siècles. C’est là qu’on découvre que le lustre qui vient de la flatterie est superficiel, et que les fausses couleurs, quelque industrieusement qu’on les applique, ne tiennent pas. Là, notre admirable princesse étudiait les devoirs de ceux dont la vie compose l’histoire : elle y perdait insensiblement le goût des romans et de leurs fades héros ; et, soigneuse de se former sur le vrai, elle méprisait ces froides et dangereuses fictions. Ainsi, sous un visage riant, sous cet air de jeunesse qui semblait ne promettre que des jeux, elle cachait un sens et un sérieux dont ceux qui traitaient avec elle étaient surpris. Aussi pouvait-on sans crainte lui confier les plus grands secrets. Loin du commerce des affaires et de la société des hommes, ces âmes sans force, aussi bien que sans foi, qui ne savent pas retenir leur langue indiscrète ! Ils ressemblent, dit le sage, à une ville sans murailles, qui est ouverte de toutes parts, et qui devient la proie du premier venu. Que madame était au-dessus de cette faiblesse ! Ni la surprise, ni l’intérêt, ni la vanité, ni l’appât d’une flatterie délicate, ou d’une douce conversation, qui souvent, épanchant le cœur, en fait échapper le secret, n’était capable de lui faire découvrir le sien ; et la sûreté qu’on trouvait en cette princesse, que son esprit rendait si propre aux grandes affaires, lui faisait confier les plus importantes. […]

Questionnaire :

Lisez ce texte plusieurs fois à haute voix. Quelles remarques pouvez-vous faire après ces lectures ?
A l’aide d’un manuel ou d’un support numérique (" Dictionnaire des Œuvres de la Littérature Française ", par exemple), vous direz à quel genre de littérature appartiennent les œuvres de Bossuet, dont vous recenserez les principales . Quelles remarques cela vous inspire-t-il ?
Définissez la situation d’énonciation.
Quelles sont les formes grammaticales et rhétoriques de l’éloge ?

(Ces questions sont apparues trop difficiles pour mes élèves et pas assez judicieuses. Il  fallait faire noter les formes de l'éloge à travers l'emploi des superlatifs : les occurrences de "plus" sont considérables ; les termes mélioratifs, nombreux. A partir de là, il était facile de faire observer que ce portrait moral est très idéalisé et presque abstrait.)

Texte 5

Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale : " Ce fut comme une apparition "

Ce fut comme une apparition :
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses qui palpitaient au vent derrière elle. Ses bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement l’ovale de sa figure. Sa robe de mousseline claire, tachetées de petits pois, se répandait à plis nombreux. Elle était en train de broder quelque chose ; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu.
Comme elle gardait la même attitude, il fit plusieurs tours de droite et de gauche pour dissimuler sa manœuvre ; puis il se planta tout près de son ombrelle, posée contre le banc, et il affectait d’observer une chaloupe sur la rivière.
Jamais il n’avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. Il considérait son panier à ouvrage avec ébahissement, comme une chose extraordinaire. Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu’elle avait portées, les gens qu’elles fréquentait ; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n’avait pas de limites.
Une négresse, coiffée d’un foulard, se présenta, en tenant par la main une petite fille, déjà grande. L’enfant, dont les yeux roulaient des larmes, venait de s’éveiller. Elle la prit sur ses genoux. " Mademoiselle n’était pas sage, quoiqu’elle eût sept ans bientôt ; sa mère ne l’aimerait plus ; on lui pardonnait trop ses caprices. " Et Frédéric se réjouissait d’entendre ces choses, comme s’il eût fait une découverte, une acquisition.
Il la supposait d’origine andalouse, créole peut-être ; elle avait ramené des îles cette négresse avec elle ?
Cependant, un long châle à bandes violettes était placé derrière son dos, sur le bordage de cuivre. Elle avait dû, bien des fois, au milieu de la mer, durant les soirs humides, en envelopper sa taille, s’en couvrir les pieds, dormir dedans ! Mais, entraîné par les franges, il glissait peu à peu, il allait tomber dans l’eau ; Frédéric fit un bond et le rattrapa. Elle lui dit :
– Je vous remercie, monsieur.
Leurs yeux se rencontrèrent.
– Ma femme, es-tu prête ? cria le sieur Arnoux, apparaissant dans le capot de l’escalier.

Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, I, 1.

Remarques pour un questionnaire :
De qui et de quoi s'agit-il ? D'une rencontre amoureuse, d'un coup de foudre à sens unique. (Mais est-ce bien sûr ? Mme Arnoux est-elle complètement insensible au jeune homme qui l'observe ?) Repérage des passages narratifs et descriptifs. Conclusion provisoire : description "impure", orientée, subjective (explication au passage du couple de termes objectif / subjectif). Le discours direct et indirect libre, le monologue intérieur voisinent avec les narrations et les descriptions. L'écriture "artiste" de Flaubert amené à employer le substantif, là où l'on attend un adjectif épithète ("cette splendeur de sa peau brune",...). Portrait incomplet et idéalisé.

Texte 6

"Monsieur Prud'homme"

Il est grave : il est maire et père de famille.
Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux
Dans un rêve sans fin flottent insoucieux,
Et le printemps en fleur sur ses pantoufles brille.

Que lui fait l'astre d'or, que lui fait la charmille
Où l'oiseau chante à l'ombre, et que lui font les cieux,
Et les prés verts et les gazons silencieux ?
Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille

Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu.
Il est juste-milieu, botaniste et pansu.
Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,

Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a
Plus en horreur que son éternel coryza,
Et le printemps en fleur brille sur ses pantoufles.

    verlaine2.gif (25007 octets)       Paul Verlaine (1844 - 1896), Poèmes Saturniens, 1863.

Questionnaire :

Apprendre par cœur le poème et se tenir prêt à répondre oralement au moment de l'interrogation à des questions de compréhension sur le texte.

(Vif succès de cette formule, séance prolongée à la demande des élèves)

Texte 7

Christine Arron, 25 ans. Sprinteuse nonchalante, Elle prépare les championnats du monde de Séville sans angoisse.
Bulle en tête

Christine Arron en 5 dates
13 septembre 1973
Naissance aux Abymes, en Guadeloupe.
1992
Débarque en métropole.
1996
Blessée. Doit renoncer aux JO d'Atlanta.
1997
Quatrième du 100 mètres des championnats du monde d'Athènes.
1998
Titre et record d'Europe du 100 mètres à Budapest.
arron.gif (21788 octets)


Par LUC LE VAILLANT PHOTO ERIC FRANCESCHI

LIBÉRATION DU 20/07/1999

Je suis égoïste. Je me vois moi, dans mon sport. Je ne m'intéresse pas trop aux autres... Je commence à m'ouvrir un peu. Je ne suis pas bornée. Je ne suis pas asociale."
Elle aime la lenteur, refuse qu'on la presse, veut pouvoir traîner à table sans qu'on lui tire la nappe sous les coudes et ralentit parfois dans les couloirs de correspondances quand Elle se surprend à stresser comme un métropolitain. Sinon, Christine Arron est une sprinteuse. Son talent, c'est la vitesse. Son métier, c'est de grignoter des dixièmes de seconde. Elle court le 100 mètres, le 200 mètres. Elle est guadeloupéenne comme Marie-José Pérec, à laquelle Elle pourrait bien succéder au faîte de l'athlétisme français. Elle se prépare pour le Mondial de Séville cet été, pour les JO de Sydney l'an prochain. Elle va devoir accélérer encore si Elle veut remettre le grappin sur Marion Jones, sa grande rivale américaine, qui rappelle Carl Lewis par son potentiel. Elle ne se bile pas pour autant. Courir comme une dératée ne vaut pas qu'on s'inflige des aigreurs d'estomac. ça viendra, ça viendra pas, on verra bien.
Enfance aux îles à sucre. Vingt premières années en Guadeloupe. Famille assez aisée, plutôt aimante, très rassurante, à l'inverse de celle de Pérec, plus déstructurée. Le père est professeur de maths-physique. La mère est infirmière en pédiatrie. Les grands-parents gravitent entre fonction publique et petites entreprises. Elle est la petite dernière. Aurait aimé une sœur, a deux frères, l'un est aujourd'hui mécanicien d'avion, l'autre fait dans l'agriculture biologique. Vie au grand air, jeux avec les cousins, plaisirs de garçon manqué, bonheur de les battre à la course. Les études vont doucettement. L'athlétisme la prend par hasard. Elle y réussit sans y toucher, sans forcer. Dans sa chambre d'adolescente, aucun symptôme d'adulation: ni posters de héros sportifs, ni effigies de stars de la chanson ou du ciné. Juste deux images: un homme nu avec un bébé dans les bras, un visage de femme en larmes.
Arron se dit "guadeloupéenne" avec mélancolie et pragmatisme. Elle veut retourner y vivre, mais se méfie des revendications indépendantistes. "Quand on voit les difficultés, la pauvreté des îles alentour, de Haïti, de Cuba, c'est pas joli-joli. ça donne pas envie." Elle revendique son accent, fait honte à ceux qui s'en moquent, apprécie que ça revienne quand Elle passe du temps au téléphone avec sa mère. Elle ne traque pas le racisme dans la moindre acrimonie. Elle se souvient des difficultés à trouver un logement en banlieue, remarque que la délinquance se colore vite, sait que "quand on gagne, on est française, quand on perd, on est antillaise", mais n'en fait pas un cheval de bataille. Elle dit: "Je vis dans ma petite bulle." Elle n'a jamais voté. Pense que son père est "plutôt à gauche", sa grand-mère "plutôt à droite". Se souvient qu'"on ne parlait pas de ça à la maison". Apparaît parfois aux côtés de Jean Tiberi, mais c'est pour cause de contrat avec la Ville de Paris. Elle se promet de s'intéresser à la chose publique. ça viendra en son temps. Rien ne presse. Il fait bon dans le cocon de la compétition de haut niveau.
De la nonchalance, de l'indolence, mais pas de lymphatisme. Et puis rien d'une bonne pomme... Une morgue pimentée, une violence nécessaire, une mémoire rancunière. Un observateur: "Si on la bouscule, si on lui manque de respect, Elle peut vous battre froid pendant un bon moment." Elle connut une ascension à l'eau de rose et puis des blessures assez rosses. On compte ses amis, on se retranche sur la famille et on réalise que l'on n'a pas le droit de gaspiller son talent, qu'il faut commencer à travailler, accepter de souffrir pour retrouver ces sensations incroyables du corps glorieux, de la foulée sidérante, de l'accélération astronomique. En fait, Arron n'a découvert l'athlétisme, ses exigences, que quand Elle est entrée dans le groupe d'entraînement de Jacques Piasenta, qui fut le tourmenteur perfectionniste de Pérec, avant que celle-ci émigre à Los Angeles.
Entre Pérec et Arron, malgré la Guadeloupe, leur île natale, malgré Reebok, leur équipementier commun, il y a plus de différences que de similitudes. Pérec est une femme rétive et malaisée, en ruptures et en réactivité, quand Arron préfère les lignes droites, la belle vie, les fidélités à soi et aux siens. L'une, Arron, semble douée pour le bonheur, quand l'autre, Pérec, paraît incapable de faire la paix avec elle-même. Arron aime s'installer, quand Pérec ne peut que tout plaquer. Arron rayonne, sourit, s'épanouit, quand Pérec souffre, bredouille, agresse. Pourtant, l'une (Pérec) a sûrement plus de talent naturel que l'autre (Arron). Évidemment, l'une et l'autre s'ignorent. Ce ne sont pas des querelles de basse-cour, ce sont des procédures de sauvegarde. L'orgueil est la colonne vertébrale du champion. Il faut croire en soi, se retrancher dans son ego, ne pas croiser le regard de l'autre, de peur de toiser de trop haut ou de baisser les cils trop vite. Arron a le chic pour se cloîtrer dans son monde. Elle admet: "Je suis égoïste. Je me vois moi, dans mon sport. Je ne m'intéresse pas trop aux autres." Elle nuance: "Je commence à m'ouvrir un peu. Je ne suis pas bornée. Je ne suis pas asociale." Mais, Elle qui abandonna ses études de prof de gym pour un BTS de communication qu'Elle suit à la paresseuse, admet: "Je ne me vois pas entraîneur. Je ne pourrais pas donner aux gens autant de temps, d'attention, comme le fait Piasenta. Je n'aurais pas la patience."
Arron n'aime pas se forcer. Pour la lecture, comme pour le reste. Elle qui parle créole a tenté de s'immerger dans Texaco, le livre de Patrick Chamoiseau. ça n'a pas pris. Elle n'a pas insisté. Pas question de se faire violence. Sinon, Elle peut passer des heures au cinéma. Son rêve: s'offrir une salle de projection privée. Elle préfère les comiques gaillards aux minets déjantés, les sex-symbols seniors aux éphèbes tourmentés, et côté femmes penche pour les bonnes copines plutôt que pour les gourgandines.
Le corps d'Arron a tapé dans l'œil des magazines féminins. Elle n'a pas les cuisses hypertrophiées de Florence Griffith-Joyner, ni le côté gracile et perdu de Pérec. Malgré les polémiques inévitables désormais quand se révèle un talent neuf, Elle ne respire ni les anabolisants ni l'hormone de croissance. Elle est bien balancée, équilibrée, avenante. Elle en pince pour les mannequins avec formes comme Cindy Crawford, plutôt que pour les brindilles anorexiques. Elle s'est longtemps amusée à se teindre en blond, en rouge, en bleu. Elle a même réussi à peroxyder Piasenta, suite à une victoire-pari. Ce matin-là, dans un hall d'hôtel de la banlieue est où Elle vit, la coiffure est plus classique. Jeans et blouson. Mais ongles carmin, brillant à la narine, bijoux. Pas de minauderies, mais une assurance pas ramenarde. Arron se déclare "pour l'égalité des sexes", trouve qu'il serait temps de faire un enfant "pour faire comme les copines", mais laisserait bien son homme (un coureur de 110 haies) au foyer.
Tout semble aller bien. Des performances, un physique, un entourage et des revenus de 100000 francs mensuels environ. D'où la surprise de l'entendre se dire "terriblement angoissée". Elle n'arrête pas de songer à la possible disparition de ses proches. D'où le détour opiacé par le religieux. "Dans le doute, mieux vaut imaginer qu'il y a quelque chose après." Quitte à se hâter lentement d'y aller voir.

Tableau de synthèse

 

 
Admiration ou éloge

 
Mépris ou blâme

 

Traits physiques

 
Traits moraux

Traits physiques

Traits moraux

La Bruyère : Arrias, (Les Caractères)  
 
 
 
 
 
     
Molière : Le Misanthrope (1)  
 
 
 
 
     
Molière : Le Misanthrope (2)  
 
 
 
 
     
Bossuet : Oraison funèbre  
 
 
 
 
     
Flaubert : L’Education sentimentale  
 
 
 
 
     
Verlaine : Monsieur Prudhomme  
 
 
 
 
     
Journal Libération : Portrait de Christine Arron  
 
 
 
 
     

 

Ecriture d’invention :
Vous interviewerez une personne de votre choix à qui vous soumettrez le " questionnaire de Proust ". A partir des renseignements obtenus vous en composerez, un peu à la manière d’un écrivain, le portrait.
Dans votre entreprise de rédaction vous vous efforcerez de dissimuler que le matériau de base de votre écrit est constitué de réponses à des questions.
 
Questionnaire de Marcel Proust

Quel est pour vous le comble de la misère ?
Où aimeriez-vous vivre ?
Votre idéal de bonheur terrestre ?
Pour quelles fautes avez-vous le plus d'indulgence ?
Quels sont les héros de roman que vous préférez ?
Quel est votre personnage historique préféré ?
Vos héroïnes favorites dans la vie réelle ?
Vos héroïnes dans la fiction ?
Votre peintre favori ?
Votre qualité préférée chez l'homme ?
Votre qualité préférée chez la femme ?
Votre vertu préférée ?
Votre occupation préférée ?
Qui auriez-vous aimé être ?
Le principal trait de votre caractère ?
Ce que vous appréciez le plus chez vos amis ?
Votre principal défaut ?
Votre rêve de bonheur ?
Quel serait votre plus grand malheur ?
Ce que je voudrais être ?
La couleur que je préfère ?
La fleur que j'aime ?
L'oiseau que je préfère ?
Mes auteurs favoris en prose ?
Mes poètes favoris ?
Mes héros dans la vie réelle ?
Mes héroïnes dans l'histoire ?
Mes noms favoris ?
Ce que je déteste par-dessus tout ?
Caractères historiques que je méprise le plus ?
Le fait militaire que j'admire le plus ?
La réforme que j'admire le plus ?
Le don de la nature que je voudrais avoir ?
Comment j'aimerais mourir ?
Etat présent de mon esprit ?
Ma devise ?
 
(Vous pouvez ignorer certaines questions, celles-ci  par exemple : 5, 6, 9, 23, 24, 25, 27,30, 31, 32)

 


Dernière modification le 14/09/2006
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