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juin 1999
1999
Premier sujet : étude d’un
texte argumentatif
Monsieur et Madame de La
Jeannotière, nobles de fraîche date et arrivés depuis peu à Paris,
souhaitent donner à leur fils, le petit marquis de La Jeannotière, une
instruction qui convienne à son rang. Un gouverneur (c'est-à-dire un
précepteur) et un auteur sont consultés.
Monsieur voulait que son fils
apprit le latin, madame ne le voulait pas. Ils prirent pour arbitre un
auteur qui était célèbre alors par des ouvrages agréables. Il fut
prié à dîner. Le maître de la maison commença par lui dire d'abord :
" Monsieur, comme vous savez le latin, et que vous êtes un homme de
la cour... - Moi, monsieur, du latin ! je n'en sais pas un mot répondit
le bel esprit et bien m'en a pris ; il est clair qu'on parle beaucoup
mieux sa langue quand on ne partage pas son application entre elle et les
langues étrangères. Voyez toutes nos dames, elles ont l’esprit plus
agréable que les hommes ; leurs lettres sont écrites avec cent fois plus
de grâce ; elles n'ont sur nous cette supériorité que parce qu'elles ne
savent pas le latin.
– Eh bien ! n’avais-je pas raison ? dit madame. Je veux que mon fils
soit un homme d’esprit, qu'il réussisse dam le monde ; et vous voyez
bien que, s'il savait le latin, il serait perdu. joue-t-on, s'il vous
plaît, la comédie et l’opéra en latin ? Plaide-t-on en latin quand on
a un procès ? Fait-on l’amour(1)
en latin " Monsieur, ébloui de ces raisons, passa condamnation(2),
et il fut conclu que le jeune marquis ne perdrait point son temps à
connaître Cicéron, Horace et Virgile. " Mais qu'apprendra-t-il donc
? car encore faut-il qu'il sache quelque chose ; ne pourrait-on pas lui
montrer un peu de géographie ? – A quoi cela lui servira-t-il ?
répondit le gouverneur. Quand monsieur le marquis ira dans ses terres,
les postillons(3) ne
sauront-ils pas les chemins ? ils ne l’égareront certainement pas.
On n'a pas besoin d’un quart de cercle pour voyager, et on va très
commodément de Paris en Auvergne, sans qu'il soit besoin de savoir sous
quelle latitude on se trouve.
– Vous avez raison, répliqua le père ; mais j'ai entendu parler d'une
belle science qu'on appelle, je crois, ]'astronomie. – Quelle pitié !
repartit le gouverneur; se conduit-on par les astres dans ce monde ? et
faudra-t-il que monsieur le marquis se tue à calculer une éclipse, quand
il la trouve à point nommé dans l’almanach, qui lui
enseigne de plus les fêtes mobiles, l'âge de la lune, et celui de toutes
les princesses de l’Europe ? "
Madame fut entièrement de l’avis du gouverneur. Le petit marquis était
au comble de la joie; le père était très indécis. " Que
faudra-t-il donc apprendre à mon fils ? disait-il – À être aimable,
répondit l’ami que l’on consultait (4) ;
et s'il sait les moyens de plaire, il saura tout : c'est un art qu'il
apprendra chez madame sa mère, sans que ni l’un ni l’autre se
donnent la moindre peine. "
Madame, à ce discours, embrassa le gracieux ignorant, et lui dit . "
On voit bien, monsieur que vous êtes l'homme du monde le plus savant ;
mon fils vous devra toute son éducation: je m’imagine pourtant qu'il ne
serait pas mal qu’il sût un peu d'histoire. – Hélas madame, à quoi
cela est-il bon ? répondit-il ; il n'y a certainement d'agréable et
d'utile que l’histoire du jour. Toutes les histoires anciennes, comme le
disait un de nos beaux esprits, ne sont que des fables convenues ; et pour
les modernes, c'est un chaos qu'on ne peut débrouiller. Qu'importe à
monsieur votre fils que Charlemagne ait institué les douze pairs de
France, et que son successeur ait été bègue.
– Rien n'est mieux dit ! s'écria le gouverneur : on étouffe
l'esprit des enfants sous un amas de connaissances inutiles ; mais de
toutes les sciences la plus absurde, à mon avis, et celle qui est la plus
capable d'étouffer toute espèce de génie, c'est la géométrie. Cette
science ridicule a pour objet des surfaces, des lignes, et des points, qui
n'existent pas dans la nature. On fait passer en esprit cent mille lignes
courbes entre un cercle et une ligne droite qui le touche, quoique dans la
réalité on n'y puisse pas passer un fétu. La géométrie, en vérité,
n'est qu’une mauvaise plaisanterie. "
Monsieur et madame n'entendaient pas trop ce que le gouverneur voulait
dire ; mais ils furent entièrement de son avis.
VOLTAIRE, Jeannot et Colin
(1764) (Editions Garnier, pp. 130-132)
(1) Faire l'amour :
faire la cour.
(2) Passer
condamnation : reconnaître ses torts.
(3) Postillons : cochers.
(4) " l’ami "
(l. 22) et " le gracieux ignorant " (l. 25) désignent
l’auteur évoqué à la ligne 2.
Questions (10 points)
1 - Quels sont les expressions et les
procédés de distanciation qui permettent d’apprécier la position du
narrateur à l’égard des arguments énumérés ? Quel est le ton
de la conclusion (l. 46-47) ? (5 points)
2 - Lignes 5 à 9 (" il est clair […]
elles ne savent pas le latin ") : distinguez la thèse l’argument
et l’exemple (2 points)
3 - Comparez, dans le deuxième paragraphe (l. 10 à
20), les questions que pose Madame de La Jeannotière à celle que pose
son mari (l. 15). La forme interrogative a-t-elle la même fonction dans
les deux cas ? Donnez au moins un autre exemple, dans la suite du
texte, pour illustrer ces deux types d’interrogation. (3 points).
Travaux
d’écriture (10 points)
1 - Resté seul après cette
discussion, Monsieur de La Jeannotière évalue, en son for intérieur,
les arguments qu’il vient d’entendre et prend une décision. En une
dizaine de lignes, imaginez ses réflexions. (3 points)
2 - " On étouffe l’esprit des enfants
sous un amas de connaissances inutiles " s’écrie le
gouverneur (l. 39-40). Soutiendrait-il, selon vous, la même opinion
aujourd’hui ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur des
exemples précis. (7 points)
Deuxième sujet : étude
littéraire
En août 1942 Tanguy, fils d'une
républicaine espagnole, est emmené dans un convoi transportant des
enfants juifs dans un camp d'extermination en Allemagne.
Dehors la campagne allemande défilait. Des champs
paisibles, de petits villages pittoresques, des forêts de sapins. Tanguy
se disait que l'Allemagne était un beau pays et qu'il aimerait sûrement
le parcourir. Un soir, il y eut un coucher de soleil si beau que Tanguy
recommença de pleurer. Le soleil mourant avait teint de rose les prés et
les eaux d'une petite rivière.
Tanguy se demandait obstinément comment de telles choses pouvaient
arriver. Puis il regarda mieux la terre qui semblait dormir d'un sommeil
grave et il comprit que ni la terre ni la plupart des hommes qui
l'habitaient ne savaient rien. Pour les paysans allemands qui de leurs
maisons regardaient passer ce long convoi, c'étaient là des munitions ou
des bestiaux, ou encore des machines agricoles. Et à supposer qu'ils
eussent su la vérité, ils n'y auraient rien pu. Mais qui donc pouvait
quelque chose ?
Après quatre-vingt-seize heures de voyage, à l'aube du cinquième jour,
le petit Guy cessa de respirer, Tanguy ne s'en était d'abord pas aperçu
; puis il lui sembla que Guy était trop tranquille. Il secoua le petit
corps, qui demeura rigide.
Tanguy n'avait jamais vu de cadavre. Son premier réflexe fut de se mettre
à crier. Puis il comprit que crier n'arrangerait rien. Il enleva son
manteau et en couvrit le visage de Guy dont les yeux fixaient le toit du
wagon. Ayant ainsi fait, Tanguy chercha comment se distraire. Il regarda
le beau pays qui continuait de défiler devant ses yeux- Dans sa poitrine
il sentait un étrange silence et ne bougeait pas, de peur de troubler
cette sorte de vide. Il eut envie de tourner la tête et de voir un visage
humain. Il ne le fit pourtant pas. De longs frissons secouaient son maigre
dos. Un enfant cria :
- Il y a un mort! Un mort !… J'ai peur !
D'autres enfants commençaient à pleurer. Tanguy se leva. Il ouvrit la
bouche, mais sa voix mourut dans sa gorge. Il dut faire un effort
surhumain pour entonner :
- Au clair de la lune, mon ami Pierrot…
Quelques voix vinrent à son secours... des voix mal assurées...
Plusieurs garçons chantaient faux.
Le voyage dura neuf jours et neuf nuits. Le cadavre du petit Guy fut
retiré du wagon au soir du sixième jour. Les S.S. le laissèrent là,
sur une voie de garage...
Pendant neuf jours et neuf nuits Tanguy avait lutté contre la soif, la
faim, contre ses souvenirs, contre le désespoir et contre la peur.
Lorsque le train stoppa définitivement, à l'aube du dixième jour, il
suivit la colonne comme un noctambule. Il n'osait plus ni penser, ni lever
la tête. Il était prêt à tout accepter sans révolte. Il avait
seulement l'impression d'être vieux, très vieux. La certitude qu'il
n'avait que neuf ans lui semblait ridicule.
Michel del Castillo, Tanguy, 1957
I.
Questions d'observation (8 points)
1 - Relevez et justifiez les passages en
italiques (1 point)
2 - Qu'y a-t-il d'inattendu dans la réaction de l'enfant
(paragraphe 1) ? justifiez votre réponse (4 points).
3 -
II. Questions d’analyse,
d'interprétation ou de commentaire (12 points)
1 - En étudiant l'évolution des sentiments de l'enfant vous mettrez
en évidence le caractère pathétique de ce passage (6 points).
2 - Quelle perception l'enfant a-t-il de la guerre ? (6 points)
Troisième sujet : dissertation littéraire
Selon un critique
contemporain, " ce que recherche l’autobiographe lorsqu’il
décide d’écrire c’est l’origine de soi ".
Cette réflexion vous semble-t-elle rendre compte de
l’entreprise de Rousseau, auteur des Confessions ? Vous
appuierez votre argumentation sur des exemples précis tirés des livres I
et II. |
Septembre 1999
Premier sujet : étude d’un
texte argumentatif
Denise
est la nièce d’un marchand de tissus parisien (Baudu) dont la
boutique, " Le Vieil Elbeuf ", se situe en face d’un
grand magasin, " Au Bonheur des Dames ".
C’était un dîner de
famille, fort simple. Après le potage, dès que la bonne eut servi le
bouilli, l’oncle en vint fatalement aux gens d’en face. Il se montra
d’abord très tolérant, il permettait à sa nièce d’avoir une
opinion différente.
- Mon Dieu ! tu es bien libre de soutenir ces grandes chabraques (1),
de maisons... Chacun son idée, ma fille... Du moment que ça ne
t’a pas dégoûtée d’être salement flanquée à la porte, c’est
que tu dois avoir des raisons solides pour les aimer ; et tu y
rentrerais, vois-tu, que Je ne t’en voudrais pas du tout... N’est-ce
pas ? Personne ici ne lui en voudrait.
- Oh! non, murmura madame Baudu.
Denise, posément, dit ses raisons, comme elle les disait chez Robineau (2)
: l’évolution logique du commerce, les nécessités des temps
modernes, la grandeur de ces nouvelles créations, enfin le bien-être
croissant du public. Baudu, les yeux arrondis, la bouche épaisse, l’écoutait,
avec une visible tension d’intelligence. Puis, quand elle eut
terminé, il secoua la tête.
- Tout ça, ce sont des fantasmagories. Le commerce est le commerce, il
n’y a pas à sortir de là Oh ! je leur accorde qu’ils réussissent,
mais c’est tout. Longtemps, j’ai cru qu’ils se casseraient les
reins; oui, j’attendais ça., je patientais, tu te rappelles ? Eh
bien, non, il paraît qu’aujourd’hui ce sont les voleurs qui font
fortune, tandis que les honnêtes gens meurent sur la paille... Voilà
où nous en sommes, Je suis forcé de m’incliner devant les faits. Et
je m’incline, mon Dieu ! je m’incline...
Une sourde colère le soulevait peu à peu. Il brandit tout d’un coup
sa fourchette.
- Mais jamais le Vieil Elbeuf ne fera une concession !... Entends-tu, je
l’ai dit à Bourras (3). " Voisin, vous pactisez
avec les charlatans, vos peinturlurages sont une honte ".
- Mange donc, interrompit madame Baudu, inquiète de le voir s’allumer
ainsi.
- Attends, je veux que ma nièce sache bien ma devise... Écoute ça, ma
fille . je suis comme cette carafe, je ne bouge pas. Ils réussissent,
tant pis pour eux ! Moi, Je proteste, voilà tout !
La bonne apportait un morceau de veau rôti. De ses mains tremblantes,
il découpa ; et il n’avait plus son coup d’œil juste, son autorité
à peser les parts. La conscience de sa défaite lui ôtait son ancienne
assurance de patron respecté. Pépé s’était imaginé que l’oncle
se fâchait : il avait fallu le calmer, en lui donnant tout de suite du
dessert, des biscuits qui se trouvaient devant son assiette. Alors, l’oncle,
baissant la voix, essaya de parler d’autre chose. Un instant, il causa
des démolitions, il approuva la rue du Dix-Décembre, dont la trouée
allait certainement accroître le commerce du quartier. Mais là, de
nouveau, il revint au Bonheur des Dames ; tout l’y ramenait, c’était
une obsession maladive. On était pourri de plâtre, on ne vendait plus
rien, depuis que les voitures de matériaux barraient la rue. D’ailleurs,
ce serait ridicule, à force d’être grand ; les clientes se
perdraient, pourquoi pas les Halles ? Et, malgré les regards suppliants
de sa femme, malgré son effort, il passa des travaux au chiffre d’affaires
du magasin. N'était-ce pas inconcevable ? en moins de quatre ans, ils
avaient quintuplé ce chiffre : leur recette annuelle, autrefois de huit
millions, atteignait le chiffre de quarante, d’après le dernier
inventaire. Enfin, une folie, une chose qui ne s’était jamais vue, et
contre laquelle il n’y avait plus à lutter. Toujours ils s’engraissaient,
ils étaient maintenant mille employés, ils annonçaient vingt-huit
rayons. Ce nombre de vingt-huit rayons surtout le jetait hors de lui.
Sans doute on devait en avoir dédoublé quelques-uns, mais d’autres
étaient complètement nouveaux : par exemple un rayon de meubles et un
rayon d’articles de Paris. Comprenait-on cela ? des articles de Paris
! Vrai, ces gens n’étaient pas fiers, ils finiraient par vendre du
poisson. L’oncle, tout en affectant de respecter les idées de Denise,
en arrivait à l’endoctriner.
- Franchement, tu ne peux les défendre. Me vois-tu joindre un rayon de
casseroles à mon commerce de draps ? Hein ? tu dirais que je suis
fou... Avoue au moins que tu ne les estimes pas.
La jeune fille se contenta de sourire, gênée, comprenant l’inutilité
des bonnes raisons. Il reprit :
- Enfin, tu es pour eux. Nous n’en parlerons plus, car il est inutile
qu’ils nous fâchent encore. Ce serait le comble, de les voir se
mettre entre ma famille et moi !... Rentre chez eux, si ça te plaît,
mais je te défends de me casser davantage les oreilles avec leurs
histoires.
Emile Zola, Au Bonheur des Dames (1883)
Notes :
(1)
Chabraques : terme péjoratif désignant ici le grand magasin
" Au Bonheur des Dames ".
(2) Robineau : c’est le
propriétaire d’une autre boutique de tissus.
(3) Bourras : un marchand de
parapluies voisin de Baudu qui a repeint à neuf sa vitrine.
QUESTIONS (10 points)
Quel débat Zola a-t-il placé au centre
de cette conversation ? Quelles sont les opinions qui sont défendues et
par quels personnages ? (2 points)
Quelles sont les critiques exprimées par Baudu à propos du
" Bonheur des Dames " ? (3 points)
Relevez quelques procédés utilisés par Baudu pour réfuter le point
de vue opposé (2 points)
Baudu a-t-il réussi à convaincre sa nièce ? Vous justifierez votre
réponse en vous appuyant sur le texte (sentiments, attitudes, paroles
des personnages). (3 points)
TRAVAUX D’ÉCRITURE (10 points)
Développez en une dizaine de lignes les
arguments de Denise en la faisant s’exprimer au style direct. (5
points)
Quels arguments pourriez-vous ajouter aujourd’hui pour la défense des
petits commerces ? Vous les présenterez sous forme de développement
composé (5 points)
Deuxième sujet: étude littéraire
Le narrateur, adolescent timide et
myope - il voit le monde " à peu près " -,
pensionnaire dans un ennuyeux internat, se réfugie dans un univers,
imaginaire, " loin du dortoir et des intempéries ".
Et, ce soir, j’ai une invitée : la sœur de mon
camarade m’a rejoint dans une cabane en planche bâtie tout exprès au
sommet d’un arbre planté au milieu d’une île où, retirés du
reste du monde, nous pouvons nous blottir l’un contre l’autre. De l’amour
je n’imagine pas au-delà d’osés baisers sur la bouche, et me
contente de longues et tendres étreintes, de mots doux et de regards
échangés. Pour les besoins de mon cinéma intérieur j’ai apporté
quelques retouches : je me suis grandi d’une tête, de manière à
pouvoir regarder mon aimée dans les yeux sans avoir à me hisser sur la
pointe des pieds, et bien entendu j’ai une vue perçante qui me
dispense de porter des lunettes. (J’en suis donc réduit à
réinventer l’horizon, remplaçant une sorte de méli-mélo comateux
par un trait net, comme un coup de lame de rasoir à la jointure
supposée entre le ciel et 1’eau - mais c’est une construction
purement formelle qui ne m’est d’aucun usage, jamais mon invitée n’aurait
l’indélicatesse de me pointer le lointain en me disant : est-ce que
tu vois ce que je vois ?) Je porte également des mocassins blancs qui m’ont
paru très chic aux pieds d’un grand de terminale qui traversai, la
cour du collège d’une foulée ample et légère (je m’y suis
essayé sans grand succès, poussant sur ma jambe arrière ainsi qu’on
s’évertuait à nous l’expliquer pendant le cours d’éducation
physique, déroulant consciencieusement le pied, mais l’impulsion, mal
dosée sans doute, se transformait en une force verticale qui me faisait
faire à chaque pas un saut de cabri, me donnant la sensation élastique
de fouler au ralenti le sol lunaire).
Quant à elle, elle ne se ronge plus les ongles, ce qui me permet d’y
appliquer un beau rouge qui lui donne un côté femme. J’ai même
pensé à lui rajouter une légère vague bleue sur la paupière, mais
dans l’ensemble elle est tout à fait reconnaissable.
Jean Rouaud, Le monde à peu près, 1996.
I. QUESTIONS D’OBSERVATION (8
points)
Quel est le pronom personnel le plus fréquemment employé ? Commentez l’utilisation
de ce pronom. (3 points)
Dans la première parenthèse (1-8 à 12), à quelles transformations le
narrateur procède-t-il ? justifiez votre réponse. (3 points)
Que signifie la répartition des temps du présent et de ceux du passé
dans le passage des lignes 12 à 18 ( de " je porte
également... " à " ... sol
lunaire ") ? (2 points)
Il. QUESTIONS D’ANALYSE, D’INTERPRETATION
OU DE COMMENTAIRE (12 points)
Analysez la confrontation entre les images stéréotypées de la
rêverie et la présence de la réalité. (6 points)
Comment se manifeste l’humour du narrateur, également metteur en
scène, régisseur, maquilleur, acteur de son " ’cinéma
intérieur " ? (6 points)
Troisième sujet : dissertation littéraire
Un critique contemporain écrit à
propos de l’auteur des Confessions : " Pour moi, je
le considère comme un grand écrivain, mais je ne lui demanderai pas
des conseils de vie. " Partagez-vous ce sentiment ? Vous
appuierez votre réponse sur des exemples précis tirés des deux
premiers livres des Confessions. |
Juin 1998 1998
Sujet type I : Etude d'un
texte argumentatif
Plus de vingt-huit ans après le naufrage de la
Virginie dont il était le seul matelot rescapé, Robinson Crusoë et
son compagnon Vendredi sont retrouvés sur Speranza, leur île déserte,
par l’équipage d'un navire anglais, le Whitebird. Le capitaine Hunter
et son second Joseph accueillent Robinson sur le pont de leur
vaisseau pour lui proposer de le ramener en Europe.
Le soleil commençait à
décliner. C'était l'heure où Robinson avait accoutumé de s'exposer
à ses rayons pour faire son plein d'énergie chaleureuse avant que les
ombres s'allongent et que la brise marine fasse chuchoter entre eux les
eucalyptus de la plage. À l’invitation de Joseph, il s'étendit sur
le couronnement de la dunette, à l'ombre du penon (1)
et regarda longtemps la flèche du mât de hune écrire des signes
invisibles dans le ciel bleu où s'était égaré un fin croissant de
lune en porcelaine translucide. En tournant un peu la tête, il voyait
Speranza, ligne de sable blond au ras des flots, déferlement de verdure
et chaos rocheux. C'est là qu’il prit conscience de la décision qui
mûrissait inexorablement en lui de laisser repartir le Whitebird et
de demeurer dans l'île avec Vendredi. Plus encore que tout ce qui le
séparait des hommes de ce navire, il y était poussé par son refus
panique du tourbillon de temps, dégradant et mortel, qu'ils
sécrétaient autour d'eux et dans lequel ils vivaient. 19 décembre
1787. Vingt-huit ans, deux mois et dix-neuf jours. Ces données
indiscutables ne cessaient de le remplir de stupeur. Ainsi s'il n'avait
pas fait naufrage sur les récifs de Speranza, il serait presque
quinquagénaire. Ses cheveux seraient gris, et ses articulations
craqueraient. Ses enfants seraient plus vieux qu'il n'était lui-même
quand il les avait quittés, et il serait peut-être même grand-père.
Car rien de tout cela ne s'était produit. Speranza se dressait à deux
encablures de ce navire plein de miasmes (2),
comme la lumineuse négation de toute cette sinistre dégradation. En
vérité il était plus jeune aujourd'hui que le jeune homme pieux et
avare qui s'était embarqué sur la Virginie. Car il n'était pas jeune
d'une jeunesse biologique, putrescible (3)
et portant en elle comme un élan vers la décrépitude. II était d'une
jeunesse minérale, divine, solaire. Chaque matin était pour lui un
premier commencement, le commencement absolu de l'histoire du monde.
Sous le soleil-dieu, Speranza vibrait dans un présent perpétuel, sans
passé ni avenir. II n'allait pas s'arracher à cet éternel instant,
posé en équilibre à la pointe d'un paroxysme de perfection, pour
choir dans un monde d'usure, de poussière et de ruines !
Lorsqu'il fit part de sa décision de demeurer sur l'île, seul Joseph
manifesta de la surprise. Hunter n'eut qu'un sourire glacé. Peut-être
était-il bien aise au fond de n'avoir pas à embarquer deux passagers
supplémentaires sur un bâtiment somme toute modeste, où la place
était rigoureusement mesurée. Il eut la courtoisie de considérer tout
ce qui avait été embarqué dans la journée comme autant d'effets de
la générosité de Robinson, maître de l'île. En échange, il lui
offrit la petite yole de repérage arrimée sur la dunette et qui
s'ajoutait aux deux chaloupes de sauvetage réglementaires. C'était un
canot léger et de bonne tenue, idéal pour un ou deux hommes par temps
calme ou même médiocre, et qui remplacerait avantageusement la vieille
pirogue de Vendredi. C'est dans cette embarcation que Robinson et son
compagnon regagnèrent l'île comme le soir tombait.
La joie qu'éprouva Robinson en reprenant possession de cette terre
qu'il avait crue perdue à jamais était accordée aux rougeoiements du
couchant. Immense était certes son soulagement, mais il y avait quelque
chose de funèbre dans la paix qui l'entourait. Plus encore que blessé
il se sentait vieilli, comme si la visite du Whitebird avait marqué
la fin d'une très longue et heureuse jeunesse. Mais qu'importait
? Aux premières lueurs de l'aube le navire anglais lèverait
l'ancre et reprendrait sa course errante, emporté par la fantaisie de
son ténébreux commandant. Les eaux de la Baie du Salut se
refermeraient sur le sillage du seul navire ayant approché Speranza en
vingt-huit ans. À mots couverts, Robinson avait laissé entendre qu'il
ne souhaitait pas que l'existence et la position de cet îlot fussent
révélées par l'équipage du Whitebird. Ce vœu était trop
conforme au caractère du mystérieux Hunter pour qu'il ne le fasse pas
respecter. Ainsi serait définitivement close cette parenthèse qui
avait introduit vingt-quatre heures de tumulte et de désagrégation
dans l'éternité sereine des Dioscures (4).
Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du
Pacifique, 1973
(1).
Penon : petite girouette. - (2).
Miasmes : émanations malsaines, nuisibles. Terme à prendre ici au
sens figuré : l'auteur fait allusion à la corruption morale de
l'équipage. - (3).
Putrescible : qui peut pourrir. - (4).
Dioscures : autre nom de la constellation des Gémeaux, constituée
des étoiles Castor et Pollux.
QUESTIONS (10 POINTS)
1. Premier paragraphe : comment
l'île de Speranza (et la nature en général), le navire (et la
civilisation qu'il représente) sont-ils évoqués ? Que
déduisez-vous des choix lexicaux du narrateur ? (3 points)
2. Premier paragraphe : " Ainsi s'il n'avait pas fait
naufrage […] Car rien de tout cela ne s'était produit. "
Identifiez la forme verbale dominante de ce passage du texte. Quelle est
sa valeur d'emploi ? (3 points)
3. Qu'est-ce qui conduit Robinson à prendre sa décision ? Vous
paraît-il convaincu du bien-fondé de cette décision ? Justifiez
vos réponses en vous appuyant sur des éléments précis du texte, (4
points) 1. Premier paragraphe :
comment l'île de Speranza (et la nature en général), le navire (et la
civilisation qu'il représente) sont-ils évoqués ? Que
déduisez-vous des choix lexicaux du narrateur ? (3 points)
2. Premier paragraphe : " Ainsi s'il n'avait pas fait
naufrage […] Car rien de tout cela ne s'était produit. "
Identifiez la forme verbale dominante de ce passage du texte. Quelle est
sa valeur d'emploi ? (3 points)
3. Qu'est-ce qui conduit Robinson à prendre sa décision ? Vous
paraît-il convaincu du bien-fondé de cette décision ? Justifiez
vos réponses en vous appuyant sur des éléments précis du texte, (4
points) 1. Premier paragraphe :
comment l'île de Speranza (et la nature en général), le navire (et la
civilisation qu'il représente) sont-ils évoqués ? Que
déduisez-vous des choix lexicaux du narrateur ? (3 points)
2. Premier paragraphe : " Ainsi s'il n'avait pas fait
naufrage […] Car rien de tout cela ne s'était produit. "
Identifiez la forme verbale dominante de ce passage du texte. Quelle est
sa valeur d'emploi ? (3 points)
3. Qu'est-ce qui conduit Robinson à prendre sa décision ? Vous
paraît-il convaincu du bien-fondé de cette décision ? Justifiez
vos réponses en vous appuyant sur des éléments précis du texte, (4
points) 1. Premier paragraphe :
comment l'île de Speranza (et la nature en général), le navire (et la
civilisation qu'il représente) sont-ils évoqués ? Que
déduisez-vous des choix lexicaux du narrateur ? (3 points)
TRAVAIL D'ÉCRITURE (10 POINTS)
Imaginez-vous dans la situation de
Robinson : vous prenez la décision inverse de la sienne, et vous
la justifiez en présentant vos arguments. Imaginez-vous dans la
situation de Robinson : vous prenez la décision inverse de la
sienne, et vous la justifiez en présentant vos arguments.
Sujet type II :
Commentaire littéraire
ANTILLES-GUYANE , SÉRIES
STT, STI, SMS, STL , JUIN 1998
Charles Cros (1842-1888)
Le Coffret de santal
(1873)
« TSIGANE »
Dans la course effarée
et sans but de ma vie,
Dédaigneux des chemins déjà frayés, trop longs,
J'ai franchi d'âpres monts, d'insidieux vallons.
Ma trace avant longtemps n'y sera plus suivie.
Sur le haut des sommets
que nul prudent n'envie,
Les fins clochers, les lacs, frais miroirs, les champs blonds
Me parlent des pays trop tôt quittés. Allons,
Vite ! Vite ! en avant. L'inconnu m'y convie.
Devant moi, le brouillard
recouvre les bois noirs.
La musique entendue en de limpides soirs
Résonne dans ma tête au rythme de l'allure.
Le matin, je m'éveille
aux grelots du départ,
En route ! Un vent nouveau baigne ma chevelure,
Et je vais, fier de n'être attendu nulle part.
Questions d’observation
(8 points)
1. Identifiez et analysez la figure de style du premier vers. Par un
relevé des indices lexicaux et des images, montrez comment elle trouve
sa confirmation dans tout le poème. (3 points)
2. « ... Allons
Vite! vite! en avant ... »
Etudiez le rythme de ce passage du poème. Quelle impression
suggère-t-il ? Relevez un effet analogue dans une strophe du poème. (2
points)
3. Repérez les indices d’énonciation (indices personnels, marques de
la subjectivité). Qu’en déduisez-vous de la tonalité du poème ? (2
points)
Questions d’analyse, d’interprétation
ou de compréhension (12 points)
1. En vous appuyant sur une étude du lexique, des images et du
rythme du poème, vous direz quelle idée le personnage se fait de
lui-même et des autres (6 points)
2. Vous caractériserez l’errance du tsigane en montrant ce qu’elle
symbolise. (6 points) |
Septembre 1998
Sujet type I : Etude d'un
texte argumentatif
Avec un art consommé de la
reconstitution, Disneyland remet au monde époques et cultures qui
coexistent en bonne intelligence dans cet espace bienveillant. Et sur
les tipis du Peau Rouge comme sur l’auberge de Cendrillon, une même
tonalité à base d'ocre, de rose et de pastel fond les contrées
recréées dans une même patine suave et caressante, fabrique de la
concorde avec du divers. Dans cette encyclopédie puérile de l'histoire
mondiale (où même la nature est réélaborée), les siècles et les
nations lointaines peuvent revenir mais dépouillés de leur aspect
inquiétant : cet heureux pot-pourri est façonné selon les lois de l’asepsie(l).
Il n'offre que le parfum frelaté des époques révolues, non leur
vérité.
L'entreprise d'édulcoration(2) culmine à Fantasyland
dans l'attraction " Un tout petit monde ", hymne à la douceur
des enfants de la planète : il s'agit d'une croisière à bord de
bateaux plats sur une rivière souterraine et, de chaque côté de la
berge, des poupées vêtues de leur costume national dansent et chantent
des ritournelles exaspérantes dans des décors représentant leur pays
d'origine. Défilent ainsi les savanes de l'Afrique, la tour Eiffel, Big
Ben, le Taj Mahal dans un cosmopolitisme primaire qui a toutes les
allures d'un prospectus touristique bon marché. Qu'il s'agisse d'une
collection de poncifs(3) n'a d'ailleurs aucune importance.
L'essentiel est d'exorciser la violence éventuelle des coutumes
distantes, l'essentiel est de célébrer l'étranger sans qu'il paraisse
étrange [...]
Races, civilisations, croyances, peuplades peuvent se côtoyer sans
risques puisqu'on les a vidées au préalable, nettoyées de leurs
aspérités, réduites à leur aspect folklorique. Ces différences,
sources de différends, n'ont plus d'importance et n'arrêtent pas le
large courant de sympathie et de bonté ardente qui circule ici. Réduit
à merci par le parc à thèmes, le monde extérieur n'est plus qu'une
impureté anodine, un déchet puisqu'il en existe un double où la mort,
la maladie, la méchanceté sont annulées, où rien ne pèse, rien n'a
d'importance.
En apparence, le royaume enchanté marque l'apothéose du conte de fées
: on y retrouve nos personnages familiers mêlés à ceux de Walt
Disney. Ils sont tous là comme s'ils venaient de sortir de l'écran
d'un dessin animé ou des pages d'un livre : ils viennent à notre
rencontre, nous esquissons avec eux un pas de danse, rions avec Bambi,
Djumbo l'éléphant volant ou les Sept Nains et nous pouvons même nous
vêtir comme eux, porter par mimétisme une paire d'oreilles de Mickey,
nous déguiser pendant quelques heures en héros de fables. Mais cette
familiarité est trompeuse et l'on est aussi loin ici du conte classique
européen que du premier Walt Disney, autrement plus corrosif et
caustique. Si les fantômes, les reines cruelles, les têtes de mort
sont présents, c'est à titre de concession à l'univers de nos
légendes : ils ne remettent jamais la bonne humeur en question. Seule
règne la logique optimiste du happy end : Pinocchio,
Blanche-Neige, le Capitaine Crochet, le Chapelier Fou, le Chat de
Chester défilent mais embaumés dans leurs stéréotypes, détachés
des histoires de Grimm, Carroll, Perrault, Collodi qui leur donnaient
sens et épaisseur. Le conte de fées, comme l’a bien marqué Bruno
Bettelheim. est le passage de l'angoisse éprouvée à l'angoisse
surmontée à travers un récit qui raconte à l'enfant ses propres
complexes et pulsions inavouables. C'est un guide subtil qui oriente
fantasmes et ambivalences vers un dénouement cohérent. En ce sens il a
bien une fonction éducative, il discipline le chaos intérieur
nonobstant(4) les violences qu'il déploie et qui ont
effrayé bien des éducateurs.
Rien de tel dans le domaine magique de Mickey : là tout est lisse,
propre, impeccable, toute liaison narrative est oubliée, l'histoire est
désarticulée, elle n'est plus qu'une suite d'attractions qui se
décomposent en saynètes, petits tableaux, épisodes semés au hasard.
La fiction ne peut que se consommer et se contempler, plus se raconter.
La force de Disney est d'avoir su, par le biais de cette présentation,
recycler toutes les mythologies de l'enfance en une seule, la sienne,
depuis Les Mille et une Nuits jusqu'à Lancelot du Lac. Et ce melting-pot
des imaginaires européens et orientaux, en éludant leur ambiguïté,
élude aussi leur pouvoir d'envoûtement.
C'est donc moins l'enfance qu'exalte ce vaste enclos que l'ensemble des
signes et représentations qui se sont fixés sur elle : moins
l'enfantin que le puéril.
Pascal BRUCKNER, La Tentation de l'innocence,
(Bernard Grasset, 1995, pages 110, 111, 112)
NOTES :
(1) asepsie : élimination des microbes
(2) édulcoration :adoucissement obtenu par un sucre
(3) poncif : représentation banale
(4) nonobstant : en dépit de, malgré
QUESTIONS (10
points)
1) Dans les deux premiers paragraphes, comment le lexique contribue-t-il
à la dévalorisation du monde reconstitué par Disneyland ? (3 points)
2) En vous appuyant sur les connecteurs logiques, vous mettrez en
évidence la structure argumentative des trois derniers paragraphes.
(ligne 21 jusqu’à la fin). (4 points)
3) Quelle différence peut-on établir entre " enfantin " et
" puéril " (dernière ligne) ? justifiez votre réponse en
vous appuyant précisément sur le texte. (3 points) (10
points)
1) Dans les deux premiers paragraphes, comment le lexique contribue-t-il
à la dévalorisation du monde reconstitué par Disneyland ? (3 points)
2) En vous appuyant sur les connecteurs logiques, vous mettrez en
évidence la structure argumentative des trois derniers paragraphes.
(ligne 21 jusqu’à la fin). (4 points)
3) Quelle différence peut-on établir entre " enfantin " et
" puéril " (dernière ligne) ? justifiez votre réponse en
vous appuyant précisément sur le texte. (3 points) (10
points)
TRAVAUX D'ECRITURE
TRAVAUX D'ECRITURE (10 points)
Vous exprimerez dans un développement composé votre opinion au sujet
de ces parcs où " tout est lisse propre, impeccable " et où
la bonne humeur est une obligation.
(10 points)
Vous exprimerez dans un développement composé votre opinion au sujet
de ces parcs où " tout est lisse propre, impeccable " et où
la bonne humeur est une obligation.
Sujet type II : Commentaire
littéraire
SÉRIES TECHNOLOGIQUES - ACADÉMIE DE
GUYANE - SEPTEMBRE 1998
Victor HUGO (1802-1884)
Les Travailleurs de la mer, 1866
Gilliatt le marin, parti seul en mer,
vient de retrouver l'épave qu'il cherchait, gisant dans les terribles
écueils des Douvres, au large des îles anglo-normandes.
Ce que Gilliatt, du haut de l'épave,
pouvait apercevoir du défilé, faisait horreur. Il y a souvent dans les
gorges granitiques de l'océan une étrange figuration permanente du
naufrage. Le défilé des Douvres avait la sienne, effroyable. Les
oxydes de la roche mettaient sur l'escarpement, çà et là, des
rougeurs imitant des plaques de sang caillé. C'était quelque chose
comme l'exsudation (1) saignante d'un caveau de boucherie.
Il y avait du charnier dans cet écueil. La rude pierre marine,
diversement colorée, ici par la décomposition des amalgames
métalliques mêlés à la roche, là par la moisissure, étalait par
places des pourpres affreuses, des verdissements suspects, des
éclaboussures vermeilles, éveillant une idée de meurtre et
d'extermination, On croyait voir le mur pas essuyé d'une chambre
d'assassinat. On eût dit que des écrasements d'hommes avaient laissé
là leur trace ; la roche à pic avait on ne sait quelle empreinte
d'agonies accumulées. En de certains endroits ce carnage paraissait
ruisseler encore, la muraille était mouillée et il semblait impossible
d'y appuyer le doigt sans le retirer sanglant. Une rouille de massacre
apparaissait partout.
Au pied du double escarpement parallèle, épars à fleur d'eau ou sous
la lame, ou à sec dans les affouillements (2), de monstrueux galets
ronds, les uns écarlates, les autres noirs ou violets, avaient des
ressemblances de viscères ; on croyait voir des poumons frais, ou des
foies pourrissant.
On eût dit que des ventres de géants avaient été vidés là. De
longs fils rouges, qu'on eût pu prendre pour des suintements funèbres,
rayaient du haut en bas le granit.
Ces aspects sont fréquents dans les cavernes de la mer.
QUESTIONS D'OBSERVATION (8 points)
1) Commentez le vocabulaire des couleurs.
Quel est l'effet produit par la couleur dominante ? (2 points)
2) Etudiez le champ lexical du morbide. (3 points)
3) Aux lignes 4 et 5, l'expression " C'était quelque chose
comme... " introduit un élément de la description. Quels autres
procédés introducteurs repérez-vous ? Que peut-on remarquer ? (3
points)
QUESTIONS D'INTERPRETATI0N, D'ANALYSE OU DE
COMMENTAIRE (12 points)
1 - En quoi ce texte est-il une description documentaire savante? (4
points)
2 - Vous analyserez la transfiguration du réel : comment la description
se charge-t-elle de significations symboliques ? (8 points)
(1) exsudation : suintement.
(2) affouillements : creusements produits par l'eau. |
Juin 1997
1997
Sujet type I :
Etude d'un texte argumentatif
Le tourisme a longtemps été empreint d'une
connotation futile, comme en témoigne l'emploi du mot touriste au sens
figuré pour désigner l'amateur non éclairé. La seule ambition de cet
ouvrage était de montrer qu'il est devenu un phénomène économique
doté de caractéristiques propres et qu’il occupe une place
importante au sein de l'économie internationale et des économies
nationales, notamment celle de la France. Les chiffres énoncés dans
les pages qui précèdent ne devraient laisser aucun doute quant à son
poids actuel. Il convient donc de s'interroger ici sur son avenir. Si
celui-ci nous paraît largement ouvert, c’est à la double condition
que le phénomène touristique s'adapte et soit maîtrisé.
L'avenir est ouvert car le tourisme ne peut être qu'un phénomène
durable. On peut certes se demander si le tourisme résistera au
" choc du futur ", s'il ne connaît pas un apogée
qui sera suivi d'un déclin avec la disparition de la civilisation
industrielle dans laquelle il s'est épanoui. La réponse dépend de la
façon dont on analyse le besoin touristique. Si celui-ci n'était
qu'une création purement artificielle de la " société de
consommation ", l'avenir du tourisme serait menacé et ses
jours probablement comptés. Mais si – ce que nous croyons – le
tourisme constitue une nécessité fondamentale de l'homme parce qu'il
traduit un besoin d'échanges humains, de découvertes et de rupture
avec les habitudes, alors il a devant lui des lendemains prometteurs.
Mais le tourisme devra s’adapter. D'abord, parce qu'à l'instar de
toute activité économique, il subit la concurrence. Celle-ci devient
de plus en plus intense avec l'apparition des " nouveaux pays
de vacances " (les NPVC). Or ceux-ci pourraient bien se
multiplier puisque nombreux sont les pays non industrialisés qui
possèdent la matière première (implantation et soleil), une main-d'œuvre
bon marché et que la technologie semble plus facile à transférer dans
le tourisme que dans l'industrie.
Ensuite, parce qu'il doit faire face à l'innovation technologique.
L'informatique est amenée à jouer très rapidement un rôle essentiel
en matière d'information, de promotion, de communication et de
commercialisation des produits. D'ores et déjà, les compagnies
aériennes et les chaînes hôtelières l'utilisent et des systèmes
collectifs sont mis en place en reliant les agents de voyages à
quelques grands serveurs. Des réseaux complets gèrent en temps réel
l'information, les disponibilités, les réservations, la facturation et
le paiement grâce à l'utilisation de cartes à mémoire. Quant aux
équipements de transport et d'hébergement, ils utilisent des
matériels et des matériaux dont l'évolution est extrêmement rapide.
Enfin, les goûts du public se modifient et de nouvelles formes de
tourisme apparaissent dont le développement des courts séjours
d'agrément constitue l'exemple le plus significatif.
Tout cela suppose une profonde adaptation de l'appareil productif du
tourisme, par exemple des agences de voyages qui devraient
progressivement devenir des agences de loisirs.
Cette adaptation a d'ailleurs largement commencé avec l'apparition de
produits banalisés et mieux adaptés aux goûts de la clientèle comme
le souligne le développement récent et rapide de la parahôtellerie.
Phénomène économique rentable qui nécessite d'être encouragé, le
tourisme doit également être maîtrisé. Le tourisme n'est pas
sociologiquement et culturellement neutre. Il implique une rencontre
entre des peuples ou des sociétés différents qui peut constituer un
facteur de socialisation et d'échanges mais également de troubles et
de conflits. Il influence les pratiques économiques, les conditions de
travail et peut façonner les pratiques sociales d'une civilisation dans
ses racines les plus profondes. Le tourisme peut être également source
d'acculturation(1) en entraînant des nuisances ou le développement de
fléaux sociaux (criminalité, drogue, alcoolisme, prostitution). Par
ailleurs, le tourisme a des incidences sur l'environnement naturel et
urbain. Consommateur d'espace, il peut être source de gaspillage,
d'atteintes aux sites, de destruction de la faune et de la flore [...]
et son développement peut avoir des effets économiques négatifs comme
l'inflation.
Tout cela entraîne des réactions de rejet. Ainsi, certaines
organisations politiques basques ont dénoncé la " touristification ",
c'est-à-dire la part excessive accordée à cette activité
économique. Si les méfaits du tourisme sur les populations
réceptrices et sur l'environnement ont été souvent surestimés, ils
n'en existent pas moins. De même, il est à craindre que dans certains
pays ou dans certaines régions, le tourisme devienne une mono-activité
économique. Ainsi, le développement du tourisme doit être strictement
encadré si l'on veut éviter qu'il soit créateur de nouvelles
dépendances.
Pierre Py, Le tourisme, un
phénomène économique, 1996.
(1). Acculturation :
changement provoqué par le contact des cultures ; adaptation à
une culture étrangère
QUESTIONS (10 points)
1. Quelle phrase du premier paragraphe
présente à la fois la thèse et le plan du développement ? (1
pt)
2. Quelles expressions reprennent, dans la suite du texte, les mots de
cette phrase pour annoncer les étapes essentielles de ce
développement ? (3 pts)
3. Dans le deuxième paragraphe, quels sont les deux points de vue
exprimés sur l’avenir du tourisme ? Quels mots de liaison
servent à les introduire ? (3 pts)
4. Classez les différents domaines dans lesquels s’exercent les
méfaits du tourisme énoncés par l’auteur. (3 pts) 1.
Quelle phrase du premier paragraphe présente à la fois la thèse et le
plan du développement ? (1 pt)
2. Quelles expressions reprennent, dans la suite du texte, les mots de
cette phrase pour annoncer les étapes essentielles de ce
développement ? (3 pts)
3. Dans le deuxième paragraphe, quels sont les deux points de vue
exprimés sur l’avenir du tourisme ? Quels mots de liaison
servent à les introduire ? (3 pts)
4. Classez les différents domaines dans lesquels s’exercent les
méfaits du tourisme énoncés par l’auteur. (3 pts) 1.
Quelle phrase du premier paragraphe présente à la fois la thèse et le
plan du développement ? (1 pt)
2. Quelles expressions reprennent, dans la suite du texte, les mots de
cette phrase pour annoncer les étapes essentielles de ce
développement ? (3 pts)
3. Dans le deuxième paragraphe, quels sont les deux points de vue
exprimés sur l’avenir du tourisme ? Quels mots de liaison
servent à les introduire ? (3 pts)
4. Classez les différents domaines dans lesquels s’exercent les
méfaits du tourisme énoncés par l’auteur. (3 pts)
TRAVAUX D'ÉCRITURE (10 points)
1. Résumez, en huit lignes environ, les
paragraphes 3, 4 , 5 et 6. (4 pts)
2. Le tourisme " implique une rencontre entre des peuples ou
des sociétés différents qui peut constituer un facteur de
socialisation et d'échanges mais également de troubles et de
conflits. "
Vous développerez, au choix, l’un des effets du tourisme évoqués
dans cette phrase à l’aide d’arguments illustrés d’exemples.
(6 pts) 1. Résumez, en huit lignes
environ, les paragraphes 3, 4 , 5 et 6. (4 pts)
2. Le tourisme " implique une rencontre entre des peuples ou
des sociétés différents qui peut constituer un facteur de
socialisation et d'échanges mais également de troubles et de
conflits. "
Vous développerez, au choix, l’un des effets du tourisme évoqués
dans cette phrase à l’aide d’arguments illustrés d’exemples.
(6 pts) 1. Résumez, en huit lignes
environ, les paragraphes 3, 4 , 5 et 6. (4 pts)
2. Le tourisme " implique une rencontre entre des peuples ou
des sociétés différents qui peut constituer un facteur de
socialisation et d'échanges mais également de troubles et de
conflits. "
Vous développerez, au choix, l’un des effets du tourisme évoqués
dans cette phrase à l’aide d’arguments illustrés d’exemples.
(6 pts)
Sujet type II : Commentaire littéraire
ANTILLES-GUYANE - JUIN 1997 -SERIES STI, SMS,
STL, STT
Emile Zola (1840-1902)
L’Oeuvre
(1886)
Nous sommes au tribut du roman. Claude, le héros, est
peintre.
Claude passait devant
l'Hôtel de Ville, et deux heures du matin sonnaient à l'horloge, quand
l'orage éclata. Il s'était oublié à rôder dans les Halles, par
cette nuit brûlante de juillet, en artiste flâneur, amoureux du Paris
nocturne. Brusquement, les gouttes tombèrent si larges, si drues, qu'il
prit sa course, galopa dégingandé, éperdu, le long du quai de la
Grève. Mais, au pont Louis-Philippe, une colère de son essoufflement
l'arrêta : il trouvait imbécile cette peur de l'eau; et, dans les
ténèbres épaisses, sous le cinglement de l'averse qui noyait les becs
de gaz, il traversa lentement le pont, les mains ballantes.
Du reste, Claude n'avait plus que quelques pas à faire. Comme il
tournait sur le quai de Bourbon, dans l'île Saint-Louis, un vif éclair
illumina la ligne droite et plate des vieux hôtels rangés devant la
Seine, au bord de l'étroite chaussée. La réverbération alluma les
vitres des hautes fenêtres sans persiennes, on vit le grand air triste
des antiques façades, avec des détails très nets, un balcon de
pierre, une rampe de terrasse, la guirlande sculptée d'un fronton.
C'était là que le peintre avait son atelier, dans les combles de
l'ancien hôtel du Martoy, à l'angle de la rue de la Femme-sans-Tête.
Le quai entrevu était aussitôt retombé aux ténèbres, et un
formidable coup de tonnerre avait ébranlé le quartier endormi.
Arrivé devant sa porte, une vieille porte ronde et basse, bardée de
fer, Claude, aveuglé par la pluie, tâtonna pour tirer le bouton de la
sonnette ; et sa surprise fut extrême, il eut un tressaillement en
rencontrant dans l'encoignure, collé contre le bois, un corps vivant.
Puis, à la brusque lueur d'un second éclair, il aperçut une grande
jeune fille, vêtue de noir, et déjà trempée, qui grelottait de peur.
Lorsque le coup de tonnerre les eut secoués tous les deux, il s'écria
:
"Ah bien, si je m'attendais... ! Qui êtes-vous ? Que voulez-vous
?"
Il ne la voyait plus, il l'entendait seulement sangloter et bégayer.
Questions d'observation
(8 points)
1) Relevez et classez les indications qui précisent les circonstances
de l'action. (2 points)
2) Relevez deux réseaux lexicaux significatifs qui s'opposent dans ce
texte. (3 points)
3) Relevez et classez les éléments qui permettent à l'auteur de
présenter la jeune fille. (3 points)
Questions d'analyse,
d'interprétation ou de commentaire (12 points)
1) Vous montrerez comment l'auteur réussit à créer une atmosphère
particulière dans ce début de roman. Quelles attentes cela
suscite-t-il chez le lecteur ? (6 points)
2) A l'aide d'observations précises, montrez que l'auteur nous amène
à découvrir partiellement le personnage de Claude.
Quel intérêt peut avoir une telle présentation dans un début de
roman ? (6 points) |
Septembre 1997
Sujet type I :
Etude d'un texte argumentatif
ÉTHIQUE
L'éthique fait maintenant partie de notre
discours quotidien. Les comités d'éthique se multiplient, des lois de
bioéthique sont votées. On parle de l'éthique de la science, de
l'éthique de la médecine, de l'éthique du journalisme, de l'éthique
en politique. Le mot désignant ce qui règle les conduites admises et
pratiquées dans une société, la morale, est remplacé par celui qui
qualifie la discipline chargée de les étudier, l'éthique. Parce qu'on
ne souhaite plus parler de morale. Cela fait vieux jeu. Et on s'en tire
à bon compte en utilisant la simple traduction du terme anglo-saxon ethics :
morale.
II est vrai qu'il est plus désagréable d'entendre dire de sa conduite
qu’elle a été immorale plutôt que contraire à l’éthique. Le
langage aussi peut être sécurisant, voire sécuritaire : on croit
alléger la dureté des mots en les compliquant. Sourds, aveugles,
vieillards, malades mentaux, on a honte de parler de vous : des
malentendants aux hospitalisés spéciaux, en passant par les
non-voyants et les seniors, on va en arriver à parler des personnes
mortes comme de non-vivants…
L'éthique d'un métier, chacun de ceux qui l'exercent connaît très
bien son code : il suffit de demeurer dans les limites de ce qui
définit spécifiquement l'objet de cette profession.
La morale professionnelle ne peut être imposée de l'extérieur :
elle n'est pas extrinsèque, mais intrinsèque à l'exercice d'une
profession.
La science, cela n'a rien d'éthique, prétendent d'aucuns. Si : la
vraie science est toujours éthique. Dans son domaine, tout comportement
qui s'écarte si peu que ce soit d'une véritable approche scientifique,
de l'approfondissement des connaissances, de la découverte de nouvelles
données, est un comportement antiscientifique et, par là même, non
éthique. L'éthique définit la spécificité d'un comportement en
rapport avec son objet.
L'attitude des médecins nazis dans les camps de concentration était
doublement monstrueuse, humainement et scientifiquement : aucune de
leurs prétendues " expériences " n'a fait faire le
moindre progrès aux connaissances. Ce n'étaient pas des hommes de
science, c'étaient des acteurs du génocide.
Lorsque , pendant l'Inquisition , des évêques soumettaient à la
question des hérétiques, ils se mettaient hors la religion : ce
n'étaient pas des prêtres, c'étaient des tortionnaires.
Lorsqu'un praticien assiste dans une prison aux sévices infligés à un
détenu ou à une exécution capitale, ce n'est pas un médecin, c'est
un valet de bourreau.
Lorsque vous traitez des malades avec des produits qui n'ont fait aucune
preuve de leur action thérapeutique, vous n'êtes pas un soignant, vous
êtes un charlatan.
Lorsque, pour gagner un tournoi sportif, vous achetez les meilleurs
joueurs, que vous ne faites pas jouer mais dont vous empêchez d'autres
clubs de profiter, vous ne faites pas du sport, vous faites des
affaires.
Lorsque vous détenez une information que vous ne publiez pas ou que
vous " arrangez ", vous n'êtes pas un journaliste,
vous êtes un censeur, un faussaire ou un courtisan.
Lorsque, dans la vie publique, vous vous attachez plus à votre
carrière qu'à l'intérêt des citoyens par lesquels et pour lesquels
vous avez été élu, vous n'êtes pas un homme politique, vous êtes un
imposteur.
Quand on s'écarte du chemin de sa vie, on triche. Chaque métier,
chaque type d'activité s'accompagne d'une attitude de rigueur qui lui
est propre : c'est sur elle que repose la morale d'une conduite, ou
(pour reprendre un mot un peu vieux jeu, lui aussi) son honneur.
Nous sommes entrés dans l'ère de la " voyoucratie ".
Le petit lascar des rues, déluré et mal élevé, pour lequel on
pouvait éprouver de la sympathie, est à présent remplacé par la
délinquance en costume trois pièces. La première devise,
aujourd'hui : " Pas vu, pas pris ". La
deuxième : " Tout est permis ", puisque
d'autres le font aussi. L'attitude des autres guide la mienne. Quels
autres ? Ceux qui s'enrichissent. Ceux qui ont le pouvoir. La
morale contemporaine ressemble à une partie de ping-pong : j'ai
fait cela ? et toi ? et lui ? pourquoi pas moi ?
Alors, quand dans ce monde où tant d'individus trichent, se lève et
marche un être étranger à ces pratiques, il meurt à petit feu ou
bien se suicide.
Léon Schwartzenberg, Face à la
détresse, 1994
Questions (10 points)1.
Dans les deux premiers paragraphes, quelles raisons l'auteur donne-t-il
du changement de vocabulaire qu'il évoque au début du texte ? (2
points)
2. Du troisième paragraphe (" l'éthique d'un métier… ")
à l’avant-dernier (" …son honneur "), quel est
celui qui définit le mieux " l'éthique d'un
métier " ? Justifiez votre choix en vous appuyant sur
une observation précise du texte. (3 points)
3. Depuis " la science, cela n’a rien d’éthique… "
jusqu’à " vous êtes un imposteur ", par quels
procédés l'auteur tente-t-il de persuader le lecteur ? Vous en
relèverez au moins quatre. (3 points)
4. Quel sens donnez-vous au mot " voyoucratie "
d'après la suite du dernier paragraphe ? (2 points)1. Dans les
deux premiers paragraphes, quelles raisons l'auteur donne-t-il du
changement de vocabulaire qu'il évoque au début du texte ? (2
points)
2. Du troisième paragraphe (" l'éthique d'un métier… ")
à l’avant-dernier (" …son honneur "), quel est
celui qui définit le mieux " l'éthique d'un
métier " ? Justifiez votre choix en vous appuyant sur
une observation précise du texte. (3 points)
3. Depuis " la science, cela n’a rien d’éthique… "
jusqu’à " vous êtes un imposteur ", par quels
procédés l'auteur tente-t-il de persuader le lecteur ? Vous en
relèverez au moins quatre. (3 points)
4. Quel sens donnez-vous au mot " voyoucratie "
d'après la suite du dernier paragraphe ? (2 points)1. Dans les
deux premiers paragraphes, quelles raisons l'auteur donne-t-il du
changement de vocabulaire qu'il évoque au début du texte ? (2
points)
2. Du troisième paragraphe (" l'éthique d'un métier… ")
à l’avant-dernier (" …son honneur "), quel est
celui qui définit le mieux " l'éthique d'un
métier " ? Justifiez votre choix en vous appuyant sur
une observation précise du texte. (3 points)
3. Depuis " la science, cela n’a rien d’éthique… "
jusqu’à " vous êtes un imposteur ", par quels
procédés l'auteur tente-t-il de persuader le lecteur ? Vous en
relèverez au moins quatre. (3 points)
4. Quel sens donnez-vous au mot " voyoucratie "
d'après la suite du dernier paragraphe ? (2 points)
Travaux d'écriture (10 points)
1. Reformulez en quatre à six lignes l'essentiel des idées
contenues dans le passage (" L'éthique d'un métier... vous
êtes un imposteur "). (4 points)
2. " Tout est permis, puisque d'autres le font
aussi ". Vous expliquerez et vous discuterez cette réflexion
dans un développement d'une vingtaine de lignes. (6 points). |
Juin 1996
1996
Sujet type I :
Etude d'un texte argumentatif
Je suis contre. Je suis contre parce
qu'il y a un ministre des sports et qu'il n'y a pas de ministre du
bonheur (on n'a pas fini de m'entendre parler du bonheur, qui est le
seul but raisonnable de l'existence). Quant au sport, qui a besoin d'un
ministre (pour un tas de raisons, d'ailleurs, qui n'ont rien à voir
avec le sport), voilà ce qui se passe : quarante mille personnes
s'assoient sur les gradins d'un stade et vingt-deux types tapent du pied
dans un ballon. Ajoutons suivant les régions un demi-million de gens
qui jouent au concours de pronostics ou au totocalcio(1),
et vous avez ce qu'on appelle le sport. C'est un spectacle, un jeu, une
combine ; on dit aussi une profession : il y a les
professionnels et les amateurs. Professionnels et amateurs ne sont
jamais que vingt-deux ou vingt-six au maximum ; les sportifs qui
sont assis sur les gradins, avec des saucissons, des cannettes de
bière, des banderoles, des porte-voix et des nerfs sont quarante,
cinquante ou cent mille ; on rêve de stades d'un million de places
dans des pays où il manque cent mille lits dans les hôpitaux, et vous
pouvez parier à coup sûr que le stade finira par être construit et
que les malades continueront à ne pas être soignés comme il faut par
manque de place. Le sport est sacré ; or c'est la plus belle
escroquerie des temps modernes. Il n'est pas vrai que ce soit la santé,
il n'est pas vrai que ce soit la beauté, il n'est pas vrai que ce soit
la vertu, il n'est pas vrai que ce soit l'équilibre, il n'est pas vrai
que ce soit le signe de la civilisation, de la race forte ou de quoi que
ce soit d'honorable et de logique. [...]
À une époque où on ne faisait pas de sport, on montait au mont Blanc
par des voies non frayées en chapeau gibus(2)
et bottines à boutons ; les grandes expéditions de sportifs qui
vont soi-disant conquérir les Everest ne s'élèveraient pas plus haut
que la tour Eiffel, s'ils n'étaient aidés, et presque portés par les
indigènes du pays qui ne sont pas du tout des sportifs. Quand Jazy
court, en France, en Belgique, en Suède, en URSS, où vous voudrez,
n'importe où, si ça lui fait plaisir de courir, pourquoi pas ?
S'il est agréable à cent mille ou deux cent mille personnes de le
regarder courir, pourquoi pas ? Mais qu'on n'en fasse pas une
église, car qu'est-ce que c'est ? C'est un homme qui court ;
et qu'est-ce que ça prouve ? Absolument rien. Quand un tel arrive
premier en haut de l'Aubisque(3),
est-ce que ça a changé grand-chose à la marche du monde ? Que
certains soient friands de ce spectacle, encore une fois pourquoi
pas ? Ça ne me gêne pas. Ce qui me gêne, c'est quand vous me
dites qu'il faut que nous arrivions tous premier en haut de l'Aubisque
sous peine de perdre notre rang dans la hiérarchie des nations. Ce qui
me gêne, c'est quand, pour atteindre soi-disant ce but ridicule, nous
négligeons le véritable travail de l'homme. Je suis bien content qu'un
tel ou une telle " réalise un temps remarquable "
(pour parler comme un sportif) dans la brasse papillon, voilà à mon
avis de quoi réjouir une fin d'après-midi pour qui a réalisé cet
exploit, mais de là à pavoiser(4)
les bâtiments publics, il y a loin.
Jean Giono, Les terrasses de
l'île d'Elbe, 1976.
(1). Totocalcio :
loto sportif italien. - (2). Chapeau gibus : chapeau haut de forme
qui peut s'aplatir. - (3). L'Aubisque : col des Pyrénées - (4).
Pavoiser : orner de drapeaux.
QUESTIONS (10 points)
1. Quelles thèses l'auteur réfute-t-il
dans le premier paragraphe ? (2 pts)2. Dans ce même
paragraphe, à quoi se réduit le sport, d'après Giono ? Citez et
analysez deux procédés d'écriture que l'auteur utilise pour persuader
le lecteur. (4 pts)
3. Quels sont, dans le deuxième paragraphe, les indices qui révèlent
la présence d'un interlocuteur fictif ? Quel caractère
donnent-ils au texte ? (4 pts)
TRAVAUX D'ÉCRITURE (10 points)
1. " Il n'est pas vrai que ce
soit la santé ". Exposez les arguments que les défenseurs du
sport pourraient opposer à cette affirmation. (4 pts)
2. Les exploits des sportifs prennent trop d'importance et ne méritent
pas qu'à cette occasion l'on pavoise les bâtiments publics, estime
Giono. Vous donnerez votre avis à propos de cette opinion. (6 pts)
Sujet type
II : commentaire littéraire
ANTILLES-GUYANE, SERIES STT-STI-STL-SMS, JUIN
1996
Jules Laforgue (1860-1887)
Premiers poèmes.
Sonnet de printemps
Avril met aux buissons
leurs robes de printemps
Et brode aux boutons d'or de fines collerettes,
La mouche d'eau sous l'œil paisible des rainettes,
Patine en zig-zags fous aux moires (1) des étangs.
Narguant d'un air frileux
le souffle des autans (2)
Le liseron s'enroule étoilé de clochettes
Aux volets peints en vert des blanches maisonnettes,
L'air caresse chargé de parfums excitants.
Tout aime, tout convie aux
amoureuses fièvres,
Seul j'erre à travers tout le dégoût sur les lèvres.
Ah! l'Illusion morte, on devrait s'en aller (3).
Hélas ! j'attends toujours
toujours l'heure sereine,
Où pour 1a grande nuit dans un coffre de chêne,
Le Destin ce farceur voudra bien m'emballer.
Questions d’observation
(8 points)
1. Quelle est la métaphore développée dans le premier quatrain ? (2
points)
2. Vous analyserez les sujets des verbes dans les trois phrases du
premier tercet : quels contrastes expriment-ils ? (3 points )
3. Où et comment est évoquée la mort ? (3 points)
Questions d’analyse, d’interprétation
ou de commentaire (12 points)
1. Vous montrerez comment, dans les deux quatrains, l’auteur donne une
représentation poétique de la nature. (6 points)
2. En vous appuyant sur des éléments précis du sonnet, et en étant
attentif aux principaux procédés d’expression, vous montrerez
comment l’auteur met en opposition la nature et sa propre condition.
(6 points)
(1) "
moires " : aspects changeants, chatoyants d'une surface. Mot
employé souvent pour des tissus.
(2) " autans " : dans la langue poétique,
vents impétueux
(3) Dans une première version, le poète avait écrit :
" J'ai bien assez vécu, je voudrais m'en aller ". |
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